Deux partis – l’Orléaniste et le Légitimiste – se disputent le droit de monter sur le trône de France. Si ce trône n’a pas encore été restauré, des sondages révèlent que jusqu’à 17% des Français seraient favorables à un retour de la monarchie. Enquête auprès des royalistes de tous bords…
Bien loin des préoccupations quotidiennes des Français épuisés par des crises qui se sont succédées ces dernières années, dans les antichambres du pouvoir du Palais de l’Elysée, se joue un étrange ballet virtuel pour le trône de France. Tout cela pourrait paraître anachronique pour une majorité de nos concitoyens si depuis quelques décennies, la République française ne subissait pas les assauts de deux princes de France qui tentent de grignoter chaque jour un peu plus ses bases afin de se présenter comme alternative crédible à l’actuel occupant du 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris. Orléans ou Bourbon, chacun de ces prétendants représente les espoirs de leurs partisans, cette armée de l’ombre dont les soldats se livrent à de véritables batailles rangées sur les réseaux sociaux afin de mieux imposer leur poulain au cas où l’actuelle institution politique chuterait définitivement.
Vive Henri IV!
Devenue la proie de communautarismes en tout genre, la France millénaire se cherche aujourd’hui un leader capable d’incarner à nouveau sa grandeur. Pour certains de nos concitoyens, la solution passerait par un retour de la monarchie avec un souverain qui serait à la fois ce symbole d’unité, de neutralité et un arbitre au-dessus des partis. Ils ont le choix du roi puisque deux princes, cousins issus du même rameau capétien, celui d’Henri IV, sont potentiellement héritiers d’une couronne tombée à terre, il y a près d’un siècle et demi. A 55 ans, le comte de Paris est le descendant d’une lignée dynastique qui a contribué à façonner l’Histoire de France avec ses personnages truculents. On y trouve « Monsieur », frère de Louis XIV dont les amours au masculin ont défrayé les chroniques de l’époque, Philippe d’Orléans, le régent qui réforma la France, Philippe Egalité, cousin de Louis XVI dont il vota la mort en 1793 avant d’être lui-même la victime du « rasoir national », et enfin Louis-Philippe Ier, dernier roi des français entre 1830 et 1848. Une généalogie totalement assumée par ce prince qui souhaite tracer ses pas dans ceux de son grand-père, Henri d’Orléans (1908-1999), longtemps considéré comme le successeur du Général de Gaulle.
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La France a connu diverses tentatives de restauration de la monarchie tout au long de son histoire. Couronner la République, c’est justement ce que propose le prince Jean d’Orléans qui bénéficie régulièrement d’une large couverture médiatique (Marianne, Le Figaro, Point de vue, Le Point, France Info, CNews, TF1…) depuis son « avènement de jure » en 2019. Et pour ceux qui se posent des questions sur la vision de sa France, cet écolo’ dans l’âme, forestier et amoureux du patrimoine a résumé ses pensées politiques dans un ouvrage intitulé, Jean de France, un prince français, paru aux éditions Pygmalion. Soutenu par la très maurassienne Action française-Restauration nationale (AF-RN), le Groupe d’action royaliste (GAR) ou encore la Nouvelle action royaliste (NAR) – autant dire la majorité des mouvements royalistes qui ont touché les ors du pouvoir du bout des doigts au cours du XXème siècle – la France lui doit même d’avoir été à l’initiative de sa réconciliation diplomatique avec l’Italie sous l’égide d’Emmanuel Macron qu’il a rencontré à diverses reprises. Un président de la République qui a déclaré en 2015 « qu’il fallait un roi à la France ». Mais n’allez pas croire que Jean d’Orléans a pris le train « En Marche » pour autant. Ce libéral-conservateur, proche des milieux catholiques modérés, se situe volontiers dans l’opposition et n’a pas hésité à critiquer le gouvernement pour sa gestion de la pandémie ou apporter son soutien aux Gilets jaunes.
Selon un sondage, 17% des Français affirment qu’ils soutiendraient le retour de la monarchie si le choix leur était posé
Son léger accent hispanique fait fondre ces dames qui se pâment à son contact, et son arbre généalogique est aussi éloquent que celui de son cousin, Jean d’Orléans, avec autant de rois d’Espagne que nous avons eu de Bourbons sur le trône de France depuis le XVIème siècle. Louis-Alphonse de Bourbon (46 ans) a la frange la plus traditionaliste du monarchisme français derrière lui et ses prises de position sont très appréciées des milieux conservateurs qui l’invitent régulièrement au Congrès des familles, sorte de grande messe annuelle de l’extrême-droite. Une minorité qui attend patiemment que la sainte Providence rende à l’aîné de la Maison Bourbon son trône légitime mais qui ne semble guère goûter au militantisme de terrain, plus obnubilé à convaincre les uns et les autres qu’il est bien français. Ce qui est indéniable. Les quelques voyages que Louis-Alphonse effectue en France et les rares manifestations auxquelles il participe ne lui ont pas encore permis de conquérir le cœur de la population française, si on excepte un buzz en 2018 lors de la crise des Gilets jaunes qui ne s’est pas répété depuis. Et pour trouver des articles de presse sur cet hidalgo de noble essence, c’est de l’autre côté des Pyrénées qu’il faut chercher, où il fait régulièrement la principale manchette des médias locaux. Pas de programme politique connu mais des biographies qui nous plongent dans l’univers de ces princes cachés dont il descend et qui se revendiquent de l’héritage de Charles X, renversé en 1830. Sa croisade contre le gouvernement socialiste, qui a décidé d’exhumer les restes du général Francisco Franco, dont il est l’arrière-petit-fils, n’est pas passée inaperçue. Elle a autant enhardi ses partisans en France qu’elle les a gênés. Un an de combat juridique (entre 2018 et 2019) où le prince n’a pas hésité à vanter les réussites du régime du caudillo dans des magazines tel que Paris Match. Bon sang ne saurait mentir mais en France, entre deux communiqués aux accents très christiques publiés sur les réseaux sociaux, ses aficionados préfèrent vanter d’autres mérites comme le glamour d’un couple qui partage sa vie entre Madrid et Caracas. Le duc d’Anjou est un banquier discret, qui travaille avec son beau-père, un milliardaire qui est la main financière du gouvernement vénézuélien, un entrepreneur qui a été sacré un des meilleurs influenceurs d’Espagne. Avec plus ou moins de succès toutefois. On rêve de faire de Don Luis Alfonso Borbón y Martínez-Bordiú, un roi de France, d’Espagne (une minorité carlisto-franquiste continue de le reconnaître comme « Rey » depuis la mort tragique de son père en 1989) ou de Pologne, lui se contente de dire en toute simplicité aux journalistes qui se risquent à l’interroger (TF1), qu’il est « disponible » si ses concitoyens le souhaitent. Après tout, il ne « prétend pas, il est ! » affirment les soutiens avertis de « Sa Majesté très chrétienne » et qui se basent sur les lois fondamentales, sorte de texte constitutionnel oublié de tous et qui ont longtemps régi le royaume de France, pour appuyer sa candidature au trône.
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Franchir le Rubicon du royalisme?
Les royalistes n’ont pas disparu et on les retrouve même dans tous les grands événements de l’histoire de France y compris au sein des premiers réseaux de résistance au nazisme sur lesquels va s’appuyer Jean Moulin. Selon un sondage daté de 2016 et réalisé par l’Institut BVH/ Alliance royale, 17% des Français affirment qu’ils soutiendraient le retour de la monarchie si le choix leur était posé. Un score relativement haut qui peut surprendre, au regard de la tradition révolutionnaire française. Et qui sait si un jour les Français ne seront pas tentés de préférer à la copie son original, de balayer ce CDD renouvelable qu’on leur propose tous les cinq ans pour jouir d’un CDI permanent et porteur d’une vision à long terme ? Du fantasme à la réalité, il n’y aurait qu’un Rubicon à franchir… Lequel des deux prétendants alors, partisans d’une monarchie parlementaire revisitée, y arriverait en premier et deviendrait le monarque de cœur d’un peuple qui se cherche plus que jamais face à la montée des communautarismes?
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