Retour sur les déclarations de Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, hier sur BFMTV. Concernant la PMA pour les couples de lesbiennes, la ministre a expliqué que dans l’acte de naissance « ce seront donc deux mères, les parents de l’enfant. » Dans la filiation se met en place un jeu de dames inquiétant.
Ce lundi 26 août, à BFMTV, Madame Belloubet, rapporteur de la future loi de bioéthique, confirme que, dans le cas de couples de lesbiennes ayant recours à une PMA avec donneur, sera inscrite, dans l’acte de naissance de l’enfant, la mention : Mère et mère. Et de dire : « La réalité est celle-là : cet enfant a deux mères, eh bien, elle aura deux mères à l’état civil. Sans doute mettrons-nous, en premier, la mère qui accouche puis l’autre mère ensuite… Ce seront donc deux mères, les parents de l’enfant ». En toute « simplicité » ajoute-t-elle. Admirable malice juridique ! On pressent bien pourquoi la mère qui n’a pas accouché peut être (ou non) la mère mise « en premier ». Et que la mère qui accouche n’est pas forcément la première mère. C’est affirmer, par là, le caractère fictif, libre et construit, de toute filiation moderne, coupée, une fois pour toutes, de la biologie. C’est annoncer la possibilité, sinon l’obligation, que l’une des mères soit donneuse et l’autre porteuse. C’est la négation de l’adage des couples mariés « Mater semper certa est ». Traduction: la mère est toujours certaine car c’est celle qui accouche. De son côté, si Madame Buzyn, le 5 novembre, à LCI, reconnaissait l’impossibilité de nier l’existence du « père biologique », c’était pour mieux laisser entendre qu’un « père » (un vrai, le père d’intention, décalqué du père social du couple hétéro) n’a rien à voir avec la biologie. Drôle de jeu de mots qui échappe au commun des mortels pour lequel le droit devient illisible. Sauf que les juristes sont à demi malins. Car le réel, il faut le redire, est têtu !
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Ce n’est un secret pour personne, pas en tous cas pour les médias qui le représentent, à l’envi, le sceptre en main et la couronne de lauriers sur le front, qu’à défaut d’être le leader d’une Europe évanescente et rebelle, le président Macron rêve d’être le Napoléon d’un nouveau Code civil frappé à ses initiales. Napoléon a dit: « Ma vraie gloire ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles… Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. » Ce qui restera de Hollande, dit-on, c’est le mariage pour tous. Ce que veut Macron, c’est achever l’œuvre du père, avec la filiation pour tous. D’où cet atelier des lois sous la houlette de Madame Belloubet.
Un nouveau code civil, enfant du « progrès »
Le Code civil napoléonien est un compromis sage entre droit romain, droit coutumier et modernité née de la législation civile et révolutionnaire. La Révolution avait apporté un esprit d’égalité et d’amour, donné des droits à la femme et aux enfants illégitimes et naturels. Le code napoléonien ne fit pas avancer la condition féminine. Mais l’ère Taubira est là, avec deux mères pour un enfant, et pas de père. Orphelin et bâtard, tel est l’enfant du progrès.
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Avec ce projet de filiation, l’Etat devient, en effet, une « Fabrique d’orphelins », pour reprendre le titre de l’essai instructif et savoureux (si l’on peut dire) que l’auteur de cet article a écrit dans lequel vous trouverez l’analyse de l’idéologie des nouvelles familles. Le juriste Carbonnier avait regretté la loi qui, pour des raisons compréhensibles, avait autorisé, après-guerre, les femmes seules à adopter des orphelins. Ce matin, les LGBTI crient à la discrimination et veulent un dispositif unique pour tous les couples ayant recours à une PMA avec donneur.
Retour en arrière
L’adjectif bâtard, lui, venu du latin médiéval, veut dire « d’origine incertaine ». Napoléon avait insisté pour que « le bâtard » ne puisse faire preuve de sa filiation paternelle. « La société n’a pas intérêt à ce que les bâtards soient reconnus ». Or, c’est justement à « la bâtardise » du XIXème siècle que le projet de loi revient puisqu’il prive l’enfant, délibérément, de sa filiation paternelle. Et donc d’héritage. Avec cette loi, nous reviendrions, en toute « simplicité », à un état antérieur à celui de la Révolution, quand l’enfant « naturel » était reconnu. Madame Mecary ne me contredira pas: elle répète inlassablement aux sourds que nous sommes qu’« aucun lien de filiation ne peut être établi entre le donneur et l’enfant ». Comment, dès lors, un enfant pourra-t-il faire un recours en paternité ? Ce retour en arrière à la « bâtardise », Aude Mirkovic, professeur de droit, l’a dénoncé récemment, en connaissance de cause, soulevant l’indignation, pour ne pas dire plus, des féministes, ignorantes de la signification du mot bâtard.
Pour finir, un exemple illustratif de l’incohérence juridique de ce projet de loi. Imaginons deux femmes en couple avec un enfant. L’enfant, à 16 ans, tombe amoureux de la compagne de sa mère. Qui empêchera juridiquement l’adolescent d’avoir une relation avec « sa mère » et de l’épouser? Woody Allen n’a-t-il pas épousé la fille adoptive de sa femme? La levée à géométrie variable de l’anonymat (deuxième plat juridique à servir bientôt) ne résoudra pas le problème physique, psychologique de cette comaternité, pour le coup très fictive.
Taubira la révolutionnaire, Macron le transgressif
On se souvient de la cour du Louvre, un soir de 2012, avec la mise en scène de la famille du président. La révolution du Code de la famille, Macron l’a en tête depuis toujours. C’est à Têtu qu’il avait d’ailleurs expliqué les différentes filiations possibles. Un article de Gala du 5 mai 2017 titrera: « Un papy exemplaire de 39 ans ». Le magazine rapporte les propos du président concernant « une filiation qui se construit, se conquiert, qui ne vous doit rien et que vous n’aurez pas. » Que le Président se rassure: l’immense majorité des Français ne veut pas de cette « filiation pour tous » et dénonce un abus de droit sur l’enfant.
Madame Taubira était révolutionnaire. Emmanuel Macron est transgressif. Si le Code civil napoléonien sur lequel nous vivons encore —jusqu’à preuve du contraire— a abouti, c’est parce que nécessité faisait loi, que Bonaparte avait à son service des juristes exceptionnels, que lui-même n’obéissait pas à une idéologie mais qu’il avait le souci politique de la paix civile et de la réconciliation. Il savait que l’autoritarisme n’est pas l’autorité. Aussi la question demeure-t-elle, lancinante: comment peut-on faire croire au peuple français épris de liberté, d’égalité et de fraternité, qu’un enfant né en France a « deux mères » pour parents ? Prenons garde de ne pas prendre au sérieux le jeu de dames juridique terrifiant qui se joue, en ce moment, sous nos yeux.
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