Nos leaders ont choisi de satisfaire les marchés. Mieux, de les « rassurer ». Ce choix ne sera pas sans conséquence sur la vague de moraline qui va s’abattre sur l’Europe.
Car le libéralisme n’a jamais fait confiance aux intérêts privés. La fable de Mandeville est une fable : la vérité est qu’il ne peut tenir que par un discours moral – et de la pire espèce. Une fois la dérégulation économique obtenue au nom de la toute puissance des intérêts privés (voyez les mesures politiques précises qui ont rendu la crise des subprimes possible), celle-ci doit être verrouillée par une extraordinaire insistance sur la moralité, le bon sens, la famille.
Le traitement que les Anglais – leaders et médias confondus – proposent des « riots » de Tottenham (North London) est à cet égard exemplaire. Les émeutiers ? Des irresponsables. Les jeunes ? Des criminels.
L’émission matinale Daybreak, sur ITV1, mériterait une étude en soi. Il faut admirer avec quel air de tristesse incrédule la charmante Christine Bleakley regrette que les jeunes en soient venus aux mains. Il faut admirer avec quelle minauderie compassionnelle la superbe Kate Garraway leur recommande de ne pas s’en prendre aux biens publics.
Voilà le vrai visage de notre temps : à la violence invisible des choix de politique économique doit correspondre une série de violences visibles au sujet desquelles des bimbos matinales pourront émettre une série de condamnations vertueuses. L’appel fait aux familles (ne laissez pas vos enfants dehors), l’insistance sur l’anarchie (la démocratie, c’est la règle – comment peut-on choisir le chaos ?) sont autant d’indicateurs de la bêtise moralisante à suivre.
Immoralistes de tous les pays, préparez-vous à vivre des moments difficiles. Un conseil ? Repliez-vous sur la sphère privée, c’est encore là qu’on est le mieux.
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