Il y a quatre ans, le 4 avril 2017, se tenait le premier débat télévisé des onze candidats à la présidentielle. La France était déjà en faillite, mais aucun d’entre eux n’avait osé dire la vérité aux Français. Un terrible déni planait déjà sur le pays.
Ce jour-là, deux chaînes d’info, BFMTV et CNews, associées pour l’occasion, avaient mis les petits plats dans les grands. Au départ : une bonne idée. À l’arrivée : un concours de promesses démagogiques de candidats faisant assaut de complaisance devant leurs concitoyens. Résultat : ce premier débat contradictoire entre les onze, comme d’ailleurs le suivant, le 20 avril sur France 2, et comme le précédent, le 20 mars sur TF1, qui avait réuni les cinq candidats les plus « importants » (Macron, Le Pen, Fillon, Mélenchon et Hamon), n’aura pas fait avancer d’un pouce la connaissance des électeurs de la situation réelle de leur pays. Dix années de sarkozisme et de hollandisme étaient en train de se terminer avec au bout du bout un constat extravagant : une augmentation de la dette publique de 1 000 milliards d’euros.
Comment nos pauvres électeurs déjà assommés par une massive et lancinante propagande étatique auraient-ils pu voter en connaissance de cause alors qu’à cette époque le pays devait supporter un déficit annuel de 75 milliards d’euros et emprunter 200 milliards chaque année pour arriver à payer les intérêts de sa dette gigantesque – 2 800 milliards aujourd’hui –, les retraites de ses fonctionnaires et obligés, et alimenter le puits sans fond de ses dépenses publiques et de sa distribution aveugle d’avantages sociaux et de cadeaux électoraux ? Ce 4 avril 2017, donc, à côté des cinq « candidats majeurs », on trouvait six prétendants « mineurs » que les sondages situaient dans une fourchette de voix de 0 à 3 %, deux à l’extrême gauche – Philippe Poutou et Nathalie Artaud –, trois énarques souverainistes, anciens hauts fonctionnaires – Jacques Cheminade, François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan –, et un « marcheur » populiste occitan – Jean Lassalle –, la plupart d’entre eux étant europhobes, alors qu’on venait de fêter dans toute l’Europe, le 25 mars précédent, les 60 ans du Traité de Rome.
Une comparaison dégradante pour la France
Sur onze candidats, hormis Macron et Fillon qui apparaissaient comme les plus crédibles, nous en comptions donc neuf, aussi démagogues les uns que les autres, extrémistes, irresponsables ou utopistes, tous distributeurs à tout-va de milliards empruntés, promettant monts et merveilles, et même la lune. Écrasée sous un chômage massif, la France avait alors presque autant de salariés protégés, de fonctionnaires et de chômeurs, 14 millions, que de salariés occupant un emploi marchand, 16 millions. En comparaison, le Royaume-Uni bénéficiait alors de 26 millions d’emplois marchands, soit 10 de plus ! Une comparaison dégradante pour la France entre deux pays d’une population comparable, l’un étouffé et suradministré par ses technocrates surdiplômés, incompétents mais bouffis d’importance, et l’autre géré par son élite libérale.
Deux candidats seulement, semblaient donc être conscients des réalités, François Fillon, le représentant de la vieille droite classique, couturé de partout et à qui on avait coupé les ailes « en plein vol » avec une sordide affaire montée de toutes pièces,, et Emmanuel Macron, le porte-drapeau de la jeune gauche bobo techno, soutenu à fonds perdus par une coterie financière aux poches pleines. Aucun des deux ne dira la vérité aux Français : Fillon, parce qu’il avait été au pouvoir pendant cinq ans sous les ordres d’un président qu’il s’interdisait de critiquer en public de peur d’être associé au très mauvais bilan de son quinquennat, et Macron, pour à peu près les mêmes raisons, parce qu’il lui aurait fallu mettre en cause frontalement son bienfaiteur auquel il devait sa carrière politique ainsi qu’un poste de ministre de l’Économie qui lui avait permis de se faire connaitre.
Suppression de l’ENA: le dossier finit en eau de boudin
Du moins, Macron était presque tout neuf, contrairement à Fillon, traînant avec peine une casserole bruyante. Et d’ailleurs, globalement, il est plus jeune, plus malin, plus intelligent, plus vicieux, plus fin, en un mot plus serpent que tout le monde, sauf que, comme les autres, il fait lui aussi des promesses, beaucoup de promesses, et annonce des jours meilleurs, des rayons de soleil partout et un avenir rose et brillant pour chacun sous le parapluie de sa protection étatique juvénile. On voit bien aujourd’hui à quel point les réformes qu’il avait imaginées, annoncées et soi-disant préparées n’étaient finalement que du pipeau électoral, à commencer par la suppression de l’ENA dont le dossier a fini en eau de boudin, ou la fausse suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) transformé en impôt sur la fortune immobilière.
Lorsque Roger Douglas en Nouvelle-Zélande, John Howard en Australie, Jean Chrétien au Canada ont voulu vraiment réformer leur pays, ils ont fait de la pédagogie auprès de leurs électeurs en commençant par leur dire la vérité. Ils ont expliqué pourquoi il fallait le réformer, ce qu’ils voulaient faire, quels efforts ils allaient demander à leurs concitoyens et quel était le but qu’ils voulaient atteindre. En France, rien de tout cela. Le déni est entretenu vaille que vaille. On ne parle pas de ce qui fâche, ce qui a pour conséquence que les gens sérieux ne veulent pas ou n’osent pas se lancer dans une arène encombrée de grandes gueules irresponsables, de démagogues professionnels rouges, roses, verts ou noirs et de populistes subventionnés.
Voilà pourquoi, et depuis longtemps, les Français n’ont plus conscience des réalités. Un sondage avait d’ailleurs confirmé cette dangereuse tendance. Réalisé par OpinionWay les 1er et 2 mars 2017 pour le compte du « Printemps de l’économie », il témoignait du gouffre qui séparait déjà les citoyens des candidats les plus sérieux à l’élection présidentielle. À la question de savoir sur quels enjeux un candidat devrait d’abord les convaincre de voter pour lui, les trois premières réponses ne concernaient que le social : 59 % l’emploi, 51 % la protection sociale et 48 % le pouvoir d’achat. L’économie était loin derrière, avec 32 % pour la dette et les déficits et 31 % pour la compétitivité du pays. Concernant leur adhésion aux propositions économiques des candidats, les Français mettaient en premier, avec 78 % d’opinions favorables, l’une des plus farfelues : plafonner les hauts salaires… Comme quoi la démagogie des politiciens finit toujours par avoir un effet de contamination ! Quand on leur demandait quel était le programme qui répondait le mieux à leurs préoccupations, c’était celui de Marine Le Pen qui arrivait en tête avec 32 %, loin devant trois ex aequo, Macron, Fillon et Hamon, à 19 %. À pleurer !
L’implacable incompétence de nos hauts fonctionnaires
Avec Macron, on voit ce qu’il en est aujourd’hui, la pandémie ayant ajouté de la terreur à la tragédie humaine et au drame économique, lequel continue de se développer, sans queue ni tête, empilant des centaines de milliards d’euros d’emprunts supplémentaires aux centaines de milliards dilapidés pendant les années antérieures en raison de l’implacable incompétence de nos hauts fonctionnaires, ministres et présidents passés par l’ENA – 10 présidents et Premiers ministres depuis 1984 –, qui ont complètement phagocyté tous les leviers du pouvoir, pour finir par ruiner le pays. Ils ne sont même pas capables d’imaginer une seconde ne serait-ce que donner délégation à des managers expérimentés du privé pour (mieux) faire le boulot à leur place. Là aussi, la comparaison avec le Royaume-Uni nous ramène plus bas que terre. À Londres, pour la gestion des vaccins, une étroite collaboration entre l’État et le secteur privé, entre scientifiques, industriels et gouvernement a été établie dès le départ et à tous les niveaux sous la direction d’un ancien patron du groupe pharmaceutique Glaxo-SmithKline, Sir Patrick Vallance, et d’une brillante dirigeante issue du secteur du capital-risque, Kate Bingham.
Une folie administrative en plein délire
Lorsqu’Emmanuel Macron du haut de sa tour d’ivoire élyséenne annonce le 31 mars dernier la mise en place de nouvelles mesures de restriction pour tout l’Hexagone, il déclenche un concert de couacs dans son entourage et relance la machine administrative infernale au point que sur le site de Matignon qui a mis en ligne une « foire aux questions » répertoriant toutes les attestations, règles et obligations en vigueur, le document fait maintenant 74 pages ! Terrible bilan, hélas provisoire, d’une dictature de la paperasse qui n’a plus de limites et d’une folie administrative en plein délire !
Le président est-il conscient qu’il vit dans une sorte de stratosphère détachée des réalités ? Dans son adresse au peuple, justifiant ses choix de n’avoir pas voulu précédemment confiner strictement les Français, il leur déclare sans ciller : « Nous avons gagné par ces choix des jours précieux de liberté, des semaines d’apprentissage pour nos enfants, nous avons permis à des centaines de milliers de travailleurs de garder la tête hors de l’eau sans jamais perdre le contrôle de l’épidémie », s’enorgueillissant ainsi à vil prix et avec une arrogance mal placée. Remerciant ses concitoyens d’avoir adhéré à ses décisions, il ajoute que « croire en la responsabilité des Français, ce n’est jamais un pari », alors que ce serait plutôt le contraire : pour ses concitoyens à bout, écœurés et traumatisés par 26 ans de Mitterrand et de Chirac, 10 ans de Sarkozy et de Hollande et 4 ans de Macron, c’est croire en la responsabilité des dirigeants du pays qui est aujourd’hui un pari.
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