Boudé par les lecteurs, incompris des libraires, méprisé par les éditeurs, le genre littéraire de la nouvelle n’a pas le vent en poupe. C’est le moins qu’on puisse dire. A moins d’être édité chez l’une des six maisons majeures, titulaire d’un grand nombre de prix et de vendre des milliers d’exemplaires. Là, on vous édite comme si on acceptait que vous entreteniez une aventure passagère avec une danseuse ou une demi-mondaine.
Ce n’est pas le cas de Patrick Poitevin-Duquesne qui, au fond de sa province, avance, patiemment, têtu, avec ses textes courts qu’il publie de-ci, de-là, dans revues, journaux et blogs qui consentent à héberger son talent. Du talent, il en possède; c’est indéniable. La preuve, le premier recueil, Réveils difficiles…, qu’il vient d’éditer dans la collection Chiendents de l’éditeur nantais Le Petit Véhicule.
Neuf nouvelles, dont six déjà publiées, les trois autres sont inédites. Elles sont toutes du meilleur cru. Patrick Poitevin-Duquesne détient un univers; ça devient rare. Il oscille, mystérieux, envoûtant, entre le réalisme de terroir (il s’inspire souvent des paysages de Picardie où il vit) tissé de brumes urbaines, d’arbres aphylles, de départementales mornes, rectilignes, betteravières, et une manière de fantastique social qui pourrait l’apparenter à Pierre Mac Orlan, Maupassant ou Edgar Poe. Car, Poitevin Duquesne aime engager ses personnages dans des voies où les situations absurdes, dadaïstes, côtoient le surnaturel.
Ses outils sont simples. Il utilise peu d’effets, sauf quelques rares jeux de mots et métaphores. Son écriture est plus simple et limpide que réellement blanche. Il sait où il va; il n’a pas son pareil pour entraîner son lecteur par la main.
Exemple, « Etang donné », archétype même de la nouvelle fantastique, propose un narrateur bien ancré dans la réalité. Il enfourche son VTT, déboule sur les berges d’un fleuve (qui pourrait être la Somme), et, à la faveur d’un endormissement, se retrouve ailleurs, loin, avec, devant lui, une femme mystérieuse : Marie Greuète, celles des légendes qu’on n’a pas forcément envie de croiser.
Autre texte fort : « Quartiers chauds », une nouvelle animalière dont le chat Georges chausse les bottes du héros. On ne passera pas non plus à côté de « Tout le monde descend », avec un très beau portrait de femme, et de « Sable et mouvant… » texte surprenant et très… animalier.
Patrick Poitevin-Duquesne possède le sens de la brièveté. C’est une force.
Réveils difficiles…, Patrick Poitevin-Duquesne, éd. Le Petit Véhicule (20, rue du Coudray, 44000 Nantes; éditions.petit.vehicule@gmail.com; 02 40 52 14 94), coll. Chiendent, 2013.
*Photo : NIKO/SIPA. 00611872_000002.
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