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Des élections sous le prisme de l’antisémitisme

Le viol survenu à Courbevoie le 15 juin a marqué les esprits avant les élections législatives


Des élections sous le prisme de l’antisémitisme
Marche contre l'antisémitisme après le viol à caractère antisémite d'une fillette de 12 ans, le 19 juin 2024, à Paris. © JEANNE ACCORSINI/SIPA

A trois jours du premier tour des élections législatives, trois grands blocs se distinguent, et le RN fait la course en tête. Alors que l’extrême gauche avait bataillé aux européennes en parlant beaucoup de Gaza, la courte campagne de ce nouveau scrutin a été dominée par des débats houleux sur l’antisémitisme supposé des uns et des autres. L’analyse politique de Richard Prasquier.


Ces journées d’avant le vote ont été marquées par le viol, le 15 juin, par des garçons de son âge, d’une petite fille juive de 12 ans à Courbevoie. Il suffit de lire le témoignage des parents de l’enfant pour comprendre l’antisémitisme en France. Elle se sentait tellement mise à l’écart du fait de son judaïsme qu’elle avait prétendu qu’elle était musulmane, la découverte du mensonge aurait été la cause du viol. On sait l’augmentation de la violence chez les très jeunes et les carences de notre système judiciaire et éducatif à cet égard. Mais il n’est pas sûr qu’on pose une autre question: ces garçons ont-ils déjà été imprégnés par le discours islamiste, tel qu’il a été mis en pratique par le Hamas le 7 octobre, suivant lequel une femme koufar, autrement dit non-musulmane, et considérée comme ennemie, est un objet de viol parfaitement légitime? Rappelons-nous le calvaire des femmes yezidies aux mains de Daech.

Résidus d’antisémitisme

Dans un communiqué une semaine après, les dirigeants du nouveau Front populaire décrivent ce viol comme une abomination, et ne manquent pas de dénoncer « une odieuse campagne de diffamation menée par une macronie en déroute ». Mais, LFI  n’a pas voulu signer la charte contre l’antisémitisme proposée par Raphaël Glucksmann ! Deux de ses membres avaient donné leur avis sur le viol de Courbevoie. Aymeric Caron trouvait qu’on en parlait trop alors qu’en février on n’avait pas réagi à l’assassinat d’une jeune femme Rom. Il oublie que lui-même n’avait rien dit à l’époque. Sans commentaires… Mais Jean-Luc Mélenchon aussi s’est exprimé. Lui qui avait prétendu que l’antisémitisme était « résiduel » en France se dit « horrifié » et dénonce même l’antisémitisme. Donc tout va bien… Mais lisons mieux, car chez Mélenchon chaque mot compte. D’abord, il fustige le « conditionnement des comportements masculins criminels dès le jeune âge », clin d’œil assez ridicule pour le féminisme woke. Ensuite au lieu d’antisémitisme, il écrit « racisme antisémite ». Or l’antisémitisme des violeurs n’est pas un antisémitisme raciste. Les convertis d’origine européenne, comme semble l’être au moins un des garçons, sont bien acceptés dans l’islam radical et sont souvent au premier rang en matière d’extrémisme. Pourquoi alors le mot « racisme » accolé à antisémite? Pour prétendre que l’antisémitisme n’est qu’une forme de racisme. Or le racisme a toujours été d’extrême droite. Mais il n’en est pas de même de l’antisémitisme. Olivier Faure qui le déclarait a reçu un zéro pointé de la part du grand historien Michel Winock. De Toussenel et Proudhon à Maurice Thorez qui parlait des doigts crochus de Léon Blum, l’antisémitisme de gauche a en France une longue histoire.

Quant au communiqué commun du Nouveau Front Populaire il reprend la triade devenue classique: racisme, antisémitisme, islamophobie. Autre escroquerie intellectuelle, car l’islam est une religion et la critique des religions est une liberté garantie dans la loi de séparation de l’Église et de l’État.

Une tribune hallucinante dans Le Monde

Il faut mesurer les conséquences de cette démission de la laïcité. Lorsqu’une candidate LFI prétend qu’on ne doit pas critiquer un musulman qui s’en prend aux homosexuels par obéissance à une injonction religieuse, on voit les conclusions à en tirer pour les Juifs. Comme le caillou antisémite ne sort pas de la chaussure du Nouveau Front Populaire même s’il y a dans ses rangs une majorité de militants irréprochables, un récent article distingue deux types d’antisémitisme. L’un est ontologique, celui de l’extrême droite. L’autre, celui de gauche, n’est que contextuel, donc moins grave. En suivant ce raisonnement hallucinant, il faudrait excuser René Bousquet qui, préfet radical socialiste, n’avait prononcé avant-guerre aucune parole antisémite et a eu à Vichy le comportement « contextuel » que l’on sait, mais blâmer la Juste polonaise Sofia Kossak Szucka, écrivain antisémite d’extrême droite, qui a fondé Zegota, une organisation dédiée au sauvetage des Juifs. Sans commentaires non plus…

Le RN drague le vote communautaire juif

Des électeurs juifs veulent voter dès le premier tour pour le Rassemblement national. Ils sont exaspérés par les injonctions condescendantes et hostiles envers Israël. Ils constatent l’impuissance face à l’antisémitisme et la résignation face à l’islamisme et écoutent les promesses du Rassemblement national. Je comprends ces électeurs, mais je pense qu’ils ont tort. On est loin des plaisanteries abjectes du père, mais toutes les études montrent que le racisme et l’antisémitisme restent élevés chez les militants du RN. Or le sionisme fondateur de Herzl, issu des Lumières et dont je me revendique, est consubstantiellement attaché à la notion d’égalité intrinsèque entre les êtres humains. C’est le cadre des partis de l’arc républicain classique. Ils ont toujours défendu ces valeurs qui m’importent. Quelles que soient nos déceptions et nos colères devant les complaisances et l’aveuglement que nous constatons parfois, nous ne devons pas nous mettre à la remorque d’un parti d’où les relents xénophobes et antisémites ne sont pas encore extirpés. Ce qui n’empêche pas de saluer son évolution, dont témoigne l’impeccable tribune de Marine Le Pen dans Le Figaro, où elle prend des engagements forts sur l’antisémitisme et la mémoire de la Shoah.

À lire aussi : Mélenchon et la Terreur

Des sondages montrent que le RN pourrait obtenir la majorité absolue. Outre mon scepticisme sur le programme économique du Rassemblement national, je tire une raison supplémentaire de ne pas voter pour lui d’une hypothèse sur les objectifs réels de Mélenchon. Il sait qu’il ne deviendra pas chef du gouvernement à l’issue du scrutin. De fait, la seule place qui l’intéresse vraiment, c’est la première mais il sait aussi qu’il n’y arrivera pas par une procédure régulière tant il a généré d’hostilité à son encontre. Son meilleur allié, c’est le chaos. Pour cela, il tirerait bénéfice d’une majorité absolue du Rassemblement national.

Un gouvernement mis en place dans une atmosphère exceptionnellement tendue, l’inexpérience des dirigeants, l’échec économique prévisible, les mesures impopulaires prises en réaction, tout serait en place pour une explosion sociale. Dans cette situation, Mélenchon pense que son parti, parce qu’il compte des militants déterminés et qu’il peut mieux mobiliser des masses humaines que les autres, prendrait le pouvoir. Il reste au fond un lambertiste, admirateur de Lénine, qui a mis en pratique le concept du groupe d’avant-garde de révolutionnaires professionnels. Les institutions de la Ve république seraient abolies et il pourrait enfin enfiler le costume de Chavez, son héros. La meilleure façon d’éviter cette évolution dramatique et d’éviter un face-à-face destructeur, c’est de renforcer les partis modérés. Ce doit être notre objectif dimanche prochain.




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est président d'honneur du CRIF.

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