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Dernières nouvelles de Florange


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Florange et le plan social d'Arcelor-Mittal

Un soleil anémique tentait laborieusement d’illuminer ce petit matin verdâtre. Les clochers de la cité mosellane disparaissaient encore dans la brume poisseuse. L’inspecteur gara sa vieille Opel kaki devant le portail gris d’une maison jadis cossue de la rue Paul Vaillant-Couturier. Il n’avait pas dormi de la nuit, il ne dormait d’ailleurs plus depuis bientôt cinquante ans. Il coupa le moteur et s’extirpa péniblement de l’habitacle glacé, défroissant tant bien que mal son Loden beige sale, et, redressant sa grande carcasse un peu voûtée sur le trottoir, il tourna la tête : Frau Schimanski l’attendait sur le perron, frissonnant dans une nuisette rosâtre qui semblait dater du Programme Commun. Elle sourit vaguement, secouant sa blondeur permanentée et dit d’une petite voix enrouée : « Bonjour Inspecteur Muller, je vous attendais… »

Les meilleurs feuilletons sont les plus tristes et ceux qui durent des lustres.
À l’Est quoi de nouveau ? Les méchants syndicalistes d’Arcelor-Mittal ont encore décidé d’occuper les grands bureaux de Florange ; ainsi nommés car le bâtiment de style Trente glorieuses est effectivement grand, vestige d’un passé florissant : ici il est vrai que l’on produisait les meilleurs aciers français…

Bref, il ne se passe rien ; l’intersyndicale, soit trois pelés (le taux de syndicalisation est de 7,5% en France, soit dix fois moins qu’en Finlande) affirme durcir le mouvement et annonce des actions fortes, outre une énième visite à Montebourg, je ne vois rien venir : on attend du spectacle et du sang ! Des brames sur l’autoroute, des poches d’acier en fusion déversées devant la préfecture, de la séquestration crapuleuse avec tortures et exécutions sommaires, que sais-je encore ?

Les happenings de merguez pur porc c’est un peu mesquin, ça manque de violence prolétarienne : les syndicalistes font de la figuration, mais plus personne n’y croit, malgré le verdict des commissions d’experts sur la viabilité du site ; une belle jambe mais l’Hindou, qui est un dur, comme aurait dit Pierre Dac, s’en fiche comme de son premier Ganesh en peluche et l’arlésienne Ulcos n’en finit pas de serpenter dans les vapeurs de gaz de schiste. Le gouvernement a d’autres chats à fouetter, les Doux et les Peugeot-Citroën, français à (presque) 100% et dans la mélasse jusqu’au groin ; incompétences à répétition, mauvais choix stratégiques, investissements hasardeux et j’en passe, rien à voir avec la belle santé d’Arcelor !

Le hic, c’est qu’ils gagnent trop et qu’ils ne travaillent pas assez, regardez les sidérurgistes indiens : pieds nus sur les scories, un slip leur suffit, pas besoin de casques, de gants et toutes ces conneries pour petits bourgeois occidentaux et pas difficiles avec ça : un bol de riz un coup de pied au cul… Bon, trêve de plaisanterie, les hauts fourneaux de Florange ne redémarreront jamais, pour la bonne raison qu’il n’y a jamais eu de hauts fourneaux à Florange, (à Hayange par contre… ), étonnant non ? D’ailleurs vous avez déjà vu un haut fourneau ? C’est moche et ça pue : c’est foutu les gars, la messe est dite, allez vendre des frites au Luxembourg.

L’inspecteur entra dans la maison, alors que la femme en nuisette s’écartait en minaudant pour le laisser passer, il s’excusa d’un raclement de gorge, hésitant sur le chemin à prendre dans la relative pénombre du couloir, la plupart des ampoules y étaient mortes de faim ; une voix l’appela, venant des profondeurs de la cave, dont la porte s’ouvrait un peu plus loin sur la gauche, laissant s’étaler une flaque de lumière jaune sur le terrazzo luisant. Muller se tenant au mur, parvint à descendre l’escalier raide sans encombres : au milieu de la cave son adjoint Gallino était penché sur le cadavre d’un homme nu, il se releva, salua son chef d’un hochement de tête et alluma lentement sa sixième cigarette.
– Salut Pippo, tu fumes trop, qui est-ce ?
– Faut bien mourir de quelque chose… C’est l’amant de la dame, un certain Lakshmi Mittal, une balle dans la tête…

*Photo : Francois Hollande



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