Le film du réalisateur italien, Andrea Di Stefano, est un jeu de fausses pistes dans un Milan nocturne parcouru par un flic sur le point de prendre sa retraite.
En V.O., Dernière nuit à Milan s’appelle « L’ultima notte di Amore », qui ne signifie pas « la dernière nuit d’amour », mais « La dernière nuit d’Amore ». Majuscule fondamentale, car le film n’est ni une romance ni un porno. C’est un polar envoûtant, dont le héros, inspecteur de police, s’appelle Amore. Franco Amore. Dernière nuit à Milan, c’est un rythme et une musique. C’est un plan séquence sur Milan vu du ciel, accompagné d’une bande-son qui halète. C’est un scénario à rebondissements multiples et une mise en scène magistrale. Ce sont des acteurs tellement convaincants qu’on se demande s’ils ne sont pas intermittents de la Mafia. Dernière nuit à Milan, c’est un mille-feuilles de scènes vues chaque fois sous un angle différent, qui offre au spectateur une nouvelle révélation par image. Les personnages ne sont jamais ce qu’ils paraissent. Devant eux, le spectateur est comme un journaliste devant la réalité : il ne voit que ce qu’il croit. Il a l’excuse de se laisser berner par le scénariste-metteur en scène, Andrea Di Stefano, champion des fausses pistes et semeur d’indices trompeurs.
Tout est montré, mais l’artiste derrière la caméra ne dévoile les différentes strates de l’histoire qu’à son propre rythme. Franco Amore, le flic, prépare son discours pour son départ à la retraite. Cela semble le préoccuper autant que le petit boulot qu’il fait pour un individu louche, afin d’arrondir ses fins de mois. L’individu est louche, mais Amore est intègre. Il se révèlera aussi enfant de Bohême. Le récit linéaire dérape, méandre, soubresaute… Ce qui semblait évident prend des tournures buissonnières auxquelles le naïf spectateur se laisse prendre à toutes les coupes. Di Stefano maîtrise le rythme et manipule le temps : il accélère à fond, ralentit soudain, prend des raccourcis… Ces staccatos ma non troppo donnent un sens chaque fois différent aux mêmes événements. Quant aux personnages, leur vérité est humaine, trop humaine pour être honnête : angoissée et angoissante, profonde et impénétrable, ambivalente, agitée de pulsions contradictoires. Pierfrancesco Favino est éblouissant de rage retenue et de terreur intériorisée, Linda Caridi rayonne de toutes ses facettes, Antonio Gerardi a une tête à claques plus chafouine que nature et la star est la musique lancinante de Santi Pulvirenti, sorte de Philip Glass italien. Préparez-vous à deux heures d’apnée: emportez un tuba!
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