En 2004, alors que l’UMP perdait la quasi-totalité des régions, le ministre des Affaires sociales François Fillon parlait de « 21 avril à l’envers ». Aujourd’hui, malgré la déculottée sévère du Parti socialiste, qui perd une trentaine de départements (Ain, Cher, Deux-Sèvres, Drôme, Essonne, Eure, Charente, Corrèze, Côtes d’Armor, Indre-et-Loire, Jura, Oise, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Somme, territoire de Belfort, et j’en oublie…), Manuel Valls diagnostique « un score beaucoup trop élevé pour l’’extrême droite » qui représente « un bouleversement durable de notre paysage politique dont chacun devra tirer les leçons » et, aveuglé par l’économisme, répète « (s)a priorité : l’emploi, l’emploi, l’emploi » en restant droit dans ses bottes. Laïus classique sur la division de la gauche – qui gagnerait à être rassemblée, comme si la censure du gouvernement par les parlementaires Front de gauche n’avait rien à voir avec la présence de Valls à Matignon…
Mais le séisme doit être de taille sur l’échelle de Solférino pour que le Premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis promette « un discours de vérité » huit jours après son quasi-triomphalisme du premier tour !
À bâbord du PS, Jean-Luc Mélenchon s’est cru téléporté le 6 février 1934, acculé par les ligues factieuses, « la face obscure du Vieux continent », qui menacerait la démocratie la dague entre les dents. Face à la trentaine de cantons que le Front national remporte (sur plus de deux mille), le leader charismatique du Front de gauche préconise un « devoir de résistance » sous la forme d’« assemblées citoyennes ouvertes à tous ».
« Pas un canton pour le FN ! », scandaient les Jeunes socialistes en 2011. Si on en est aujourd’hui loin, force est de reconnaître que Marine Le Pen n’a pas encore réussi à édifier un parti de second tour. Dans des cantons où les candidats frontistes étaient arrivés en tête, avec un ballotage favorable à la clé, ils se retrouvent régulièrement en dernière position des triangulaires, derrière l’UMP et le PS. Soit que le front républicain marche en un certain sens (les reports du PS vers l’UMP ne sont pas tout à fait négligeables), soit que la perméabilité des électorats dits de droite profite au « vote utile » UMP. Les candidats socialistes, fussent-ils frondeurs (Jura, Essonne…), sont apparus comme des repoussoirs, finalement bien plus utiles pour endiguer la montée du FN que la campagne stigmatisante qu’avait lancée Manuel Valls. L’opération « implantation locale » du Front sur tout le territoire n’en est pas moins un succès qui annonce bien des surprises aux prochaines régionales.
Les prochaines heures nous diront quels ingrédients ont offert cette large victoire à l’UMP. Une réaction des vieux et des retraités, dernière catégorie à résister encore et toujours à la vague mariniste ? Peut-être. Marion Maréchal-Le Pen n’a pas caché sa « déception » face au semi-échec du FN dans le Vaucluse, tandis que l’Aisne ne bascule pas davantage dans le giron frontiste.
En tout cas, nous devrions tous avoir une pensée pour les victimes du plus grand plan social organisé depuis les dernières municipales puisque des centaines de collaborateurs et assistants départementaux socialistes vont essuyer les plâtres du Pôle emploi. Bref, le PS voulait supprimer les départements mais ce sont finalement les départementales qui l’auront atomisé.
*Photo : Sarah ALCALAY/SIPA.00709210_000002.
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