Certes, le FN a gagné les départementales. Certes, des listes autonomistes régionales ont réalisé de très beaux scores. Mais, dans le Doubs, j’ai pu observer un phénomène encore marginal, qui commence à faire couler de l’encre chez nos confrères : le succès d’estime de listes islamo-communautaires, à forte dominante turque. Qu’on se le tienne désormais pour dit : la Franche-Comté n’est pas seulement le pays de la cancoillotte et de David Desgouilles…
« La France plus forte avec sa diversité » annoncent les affiches qui tapissent les murs d’un quartier « chaud » de Besançon. À Planoise, Mehmet Yamakoglu, 26 ans, et Fatma Kahriman, 33, portent haut les couleurs du Parti Egalité et justice (PEJ), un mouvement « laïque qui défend les valeurs familiales et traditionnelles des musulmans et des minorités ». Ce parti ouvertement ethno-confessionnel présente des candidats à 90% franco-turcs dans une dizaine de cantons de l’Est (Strasbourg, Montbéliard, Pontarlier, etc.) qui sont autant de foyers d’implantation de la communauté turque.
Dans le grand bazar islamo-nationaliste qui tient lieu de programme au PEJ, on trouve pêle-mêle : la légalisation du port du voile à l’école, l’instauration de l’Aïd-el-Kebir comme jour férié national, l’introduction de menus hallal dans les cantines, ou encore l’entrée de la Turquie et de la Bosnie dans l’Union Européenne. De quoi élargir le champ de compétences des conseillers départementaux !
Somme toute, leur lamento islamo-victimaire n’est jamais que l’écho des sermons d’Edwy Plenel, dont le pamphlet Pour les musulmans fut amplement loué par la presse turque francophone proche de l’AKP. Une sorte de Fraternité musulmane tirée du dernier Houellebecq, la polygamie en moins (désolé, messieurs), avec un dessein néo-ottoman que certains immigrés d’origine maghrébine pourraient voir d’un mauvais oeil.
Question stratégie électorale, ces égalitaires-épris-de-justice penchent plutôt pour Terra Nova, à une nuance près : l’alliance des minorités s’arrête là aux frontières de la morale islamique, sans aucune concession au mariage gay. Qui plus est, ces pieux militants rêvent de faire encadrer le Parlement par une commission religieuse ad hoc, histoire de vérifier la conformité des lois votées avec leur morale – et la nôtre, alors ?
Du coup, ils font dans l’affichage ciblé. Ainsi, à la mi-mars, j’ai pu observer l’absence de toute affiche du PEJ dans la banlieue bucolique de Franois, qui forme l’autre partie du canton de Besançon-1. A croire que les petits blancs qui peuplent cet espace rurbain n’intéressent guère ces groupies du président Erdogan. D’ailleurs, je ne me console pas d’avoir raté leur grande conférence de presse bisontine, l’occasion rêvée de les titiller sur la politique d’Ankara face à l’Etat islamique, ou les éventuelles réparations financières que la Turquie pourrait reverser aux pays arabes que la Sublime porte avait jadis colonisés…
N’empêche, quels que soient mes sarcasmes, leurs résultats sonnants et trébuchants démontrent leur professionnalisme : avec des pointes à 6% dans un canton de Belfort – que des décennies de chevènementisme n’ont apparemment par immunisé contre le repli sur l’Oumma – et 4% à Colmar – de quoi effrayer plus d’un touriste japonais ! -, le PEJ ne plaisante pas et annonce fièrement mettre le cap sur les prochaines régionales.
Mais puisque le PEJ se dit ouvert à toute proposition, je lui en soumets une conforme à ses valeurs : pourquoi ne pas bannir la vieille tradition islamo-turco-phobe qui consiste à tremper son croissant dans le café le matin ?
*Photo : Albert Ziri.
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