Ceux qui sont derrière la vindicte médiatique dirigée contre Gérard Depardieu ont doublement tort: non seulement ils violent le principe de la présomption d’innocence, mais ils ont aussi échoué à apprendre les leçons du passé. Un cas récent comme celui d’Ary Abittan aurait dû les inciter à plus de prudence. Tribune du journaliste, Bernard Bernard.
Soutien sans aucun équivoque à Gérard Depardieu, dans la tourmente du grand lynchage médiatique, orchestré par une poignée de « journalistes-scribouillards » à la recherche du Grand Soir, en mal de notoriété mais surtout à la morale disons… élastique. Poursuivie hardiment par la cohorte bêlante d’un mouvement très en vogue, cette odieuse lapidation ne grandit pas vraiment leurs vertueux initiateurs à la recherche du sacro-saint scoop, d’essence orgasmique, qui fait frissonner ceux que désormais je n’appelle plus confrères. Et qui veulent gonfler leur renom autant que leur bourse…
Ainsi dévoyée, la cause qu’ils prétendent défendre ne sort guère grandie de cette odieuse chasse à l’homme. Ont-ils oublié, ces petits commis de scandales que pour l’heure – encore – c’est la Justice qui tranche et non pas eux, bourreaux-marionnettes avant les juges souverains ? Et que la présomption d’innocence reste l’apanage d’un système judiciaire façonné au fil du temps par l’esprit de la démocratie qui, même s’il n’est pas parfait, demeure l’un de ses pivots essentiels.
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Le comédien Ary Abittan, voué un temps aux gémonies, en sait quelque chose, après avoir traversé les flammes d’un enfer du même tonneau. En octobre 2021, la même meute, mais avec d’autres chiens, s’acharnaient sur ce fantaisiste en pleine ascension, plébiscité par le public. Mis en cause par une jeune femme de 23 ans qui l’accusait de viol, il était rapidement mis en examen pour ces faits. Les médias de tout poil reprenaient l’info… et sonnaient l’hallali. Contrats rompus, représentations annulées, tournées supprimées, revers d’image : ces fatwa d’un nouveau genre laissaient l’homme stupéfait, prostré, interdit… Lui qui surfait si allègrement d’habitude sur les réseaux sociaux, s’auto-condamnait au silence en mutilant son art de l’espièglerie, sous ce linceul si hardiment jeté. Les rares médias qui tentaient de calmer le jeu, en soufflant sur les braises déclinantes de la présomption d’innocence, voyaient leur écho se perdre dans le vent. Vaille que vaille, la chaîne d’infos CNews, rappelait régulièrement la presse à plus de mesure.
En juillet dernier, deux magistrats en charge de « l’affaire » estimaient que de nouveaux éléments affaiblissaient notablement la charge. Ils plaçaient l’acteur sous le statut de témoin assisté, en suivant les réquisitions du parquet. Mais là, point de tonitruante publicité de la part des Fouquier-Tinville de l’imprimerie ou des ondes.
Petit à petit l’humoriste renoue désormais avec son public mais, même si la justice le dédouane un jour, lui reviendront régulièrement des relents nauséabonds de fumée et de feu, issus de dictons populaires dévoyés.
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La comparaison entre Gérard Depardieu et Ary Abittan vaut ce qu’elle vaut et la justice tranchera, même si la tête de notre Christophe Colomb national vacille déjà sous le tranchant de cette épée manipulée.
Un dernier élément au débat peut-être ? Il n’y a pas si longtemps, combien était-elles ces jeunes filles énamourées, ces jolies femmes en pamoison devant leur idole ou une quelconque célébrité, dans l’attente d’un regard complice, synonyme d’émotions plus intimes ?… On les appelait alors « groupies ».
© Bernard Bernard. Photo prise le 2 mai 1996 lors de la remise de la rosette par le président Chirac, avec notamment Jean Marais, Simone Valère, Gilles Jacob et Gérard Depardieu.
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