Gérard Depardieu a sur le conflit ukrainien un avis tout en nuances, bien loin du jusqu’au-boutisme poutinien auquel on veut trop souvent le réduire. En fait, notre Gérard national fait preuve, quand on sait l’apprivoiser, d’une finesse dans le jugement qui ne surprend que ceux qui veulent tout trancher en noir et blanc. Interviewé en douceur par la revue Éléments, il est en confiance pour exprimer son point de vue sur les affaires de ce monde.
Bien sûr, il y a Causeur — indispensable. Mais dans un registre peut-être plus intello, il y a Eléments, la revue patronnée par Alain de Benoist. Et quelle idée somptueuse, dans le dernier numéro, que d’interviewer Gérard Depardieu, qui parle entre autres de la Russie et de l’Ukraine, qu’il connaît bien.
Interviewé par François Bousquet, le Gérard national dit tout ce qu’il n’est pas politiquement correct d’avancer. Tout ce que les médias français, le petit doigt sur la couture du pantalon, occultent chaque jour. Il dégomme d’abord quelques têtes creuses (« tous ces cons d’intellectuels, tous ces BHL qui se prennent au sérieux »), quelques confrères (« Luchini joue Luchini jouant Luchini »), il assaisonne Mitterrand (« Tu as lu sa correspondance avec Anne Pingeot ? Il n’écrivait pas pour elle, il écrivait pour être lu après sa mort. Tout ça, c’est petit, c’est minable. ») et Camus, qui donjuanait à la manière d’Harpagon : « Il a mis sous cloche Maria Casarès ».
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Puis il en vient à la Russie, et rappelle quelques vérités essentielles sur les montreurs de marionnettes qui tirent les ficelles du clown Zelensky :
« La guerre est malheureuse, de part et d’autre. Personne ne croit plus en personne. Il y a beaucoup d’ignorance et beaucoup d’intox. Les choses sont à moitié dites. Il ne faut pas oublier qu’il y a les cow-boys derrière, avec cette momie, ce vieillard shakespearien qu’est Joe Biden. Celui-là, on se demande à quel moment il va s’écrouler derrière son pupitre. »
Russophobie terrifiante
Et d’évoquer la « russophobie terrifiante », et la balance mondiale entre toutes les armées privées : « On dit de Poutine qu’il a des mercenaires, le Groupe Wagner. J’en ai croisé. Autrefois, on aurait parlé de barbouzes. Ces milices privées sont anciennes, il y en a en Afrique, en Amérique latine. Elles font le sale boulot. Aux Etats-Unis, il y a un paquet d’armées privées ; il y en a aussi côté ukrainien, mais celles-là avec des têtes de mort, des signes SS et la croix gammée. » Et il rappelle que les comptes ne se sont pas ouverts ni soldés à Kiev il y a quinze jours : « Regarde comment les Américains ont pilonné Belgrade ! C’est honteux. Les Américains ont oublié la Yougoslavie, le Kosovo, l’Irak. Ce n’était pas Poutine qui a bombardé l’Irak, que je sache… »
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Ajoutons, pour faire bon poids, après Hiroshima et Nagasaki (on ne juge pas les crimes contre l’humanité des vainqueurs, c’est bien ça ?), la Corée, le Vietnam, le Chili, l’Argentine, le Salvador, l’Afghanistan — tout un paquet de sales guerres où des millions de personnes sont mortes, sous des prétextes insensés — rappelez-vous Colin Powell exhibant à l’ONU sa petite bouteille d’eau plate, Aqua Robinetus simplex, en prétendant qu’il s’agissait de l’arme chimique imaginaire de Saddam Hussein. Vous sursautez quand les Russes bombardent Kiev ou Marioupol ? Rappelez-vous les bombardements massifs, à coups de bombes incendiaires, de Dresde ou de Hambourg — rien que des civils. Mais on ne juge pas les crimes de guerre des puissants, j’ai bon ?
En 1967 Michel Sardou chantait « Si les Ricains n’étaient pas là ». Oui, mais si les Soviets n’avaient pas été là, les Allemands auraient renvoyé l’armée alliée à la mer, en juin 1944. Ce sont les Soviétiques qui ont libéré Auschwitz, et pris Berlin. Et libéré la Crimée.
Aucune haine particulière des Etats-Unis. J’y suis allé, c’est un pays magnifique, j’ai vu de près ce qu’était la misère et la délinquance à New-York en 1976, vu de très près ce qu’était le racisme au Texas et dans les Etats du Sud. Et j’y ai côtoyé dans l’Ouest des Indiens, des vrais — ce qu’il en reste. Si les Ricains n’avaient pas été pas là…
Appétits territoriaux
C’est toujours la même guerre. Hier, les Afghans payaient — aussi bien auprès des Russes que des Américains. Aujourd’hui c’est l’Ukraine qui est le doigt entre l’écorce et l’arbre. Et l’armée ukrainienne s’abrite derrière le rempart humain des populations civiles — ce que l’on reprochait il y a peu aux troupes de Daesh. Toujours la même guerre.
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Et toujours les mêmes appétits. Territoriaux, via l’OTAN, qui est le jouet des Américains — les autres pays qui en sont membres sont comme les petits actionnaires d’une grande firme, ils ferment leur gueule. Financiers surtout, parce que le facteur économique est déterminant en dernière instance. L’Allemagne, censée être notre partenaire européen préféré, achète des F-35 américains, pas des Rafale. C’est la petite monnaie du Plan Marshall. Biden, bon apôtre, offre du gaz américain à prix d’ami — le double ou le triple de ce que nous payons le gaz russe. Et sous prétexte de guerre, le portefeuille de la ménagère connaît un creux sensible. Les Ukrainiens et nous payons en fin de compte les frotti-frotta entre superpuissances. Comme d’habitude.
Et pendant ce temps, Xi Jinping…
A noter, enfin, que Depardieu a chanté Barbara hier soir et ce 2 avril au Théâtre des Champs-Elysées. Si ! Cet homme ose tout.
Enfin, une petite anecdote cocasse : Le Figaro-Etudiant a interviewé une petite Ukrainienne réfugiée en France, qui a pris le chemin de l’école française. Et de s’exclamer : « Ici, les maths, c’est beaucoup plus facile qu’en Ukraine ! » Je crois bien ! Nous sommes à l’avant-dernière place, juste avant le Chili, du classement TIMMS, qui évalue le niveau en sciences. Les pays de l’ex-Union soviétique caracolent en tête, avec les dragons asiatiques. Et nous, nous fabriquons des crétins.
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