Doyen des présidents africains, et dernier chef d’État issu de la génération de la décolonisation, le président de la République du Congo porte aujourd’hui un regard lucide et apaisé sur le passé.
À peine remis de la chute de l’URSS, le système international subit aujourd’hui de dangereuses secousses. Des continents géopolitiques – la Fédération russe, la Chine, les États-Unis – se frottent à la recherche de leur place, libérant des forces d’une violence croissante. Aux confins des « points chauds » de cette tectonique des plaques, les entités politiques essaient de s’adapter pour éviter d’être emportées par des lames de fond que personne ne maîtrise. La République du Congo (Brazzaville) ne fait pas exception. C’est un petit pays – neuf fois plus petit et vingt fois moins peuplé que son voisin, la République démocratique du Congo (Kinshasa). Son histoire ressemble à celle de nombreux pays africains : une trajectoire qui commence par la colonisation française, l’indépendance, les espoirs, les déboires, le long apprentissage du pouvoir, mais aussi la guerre froide, la fin du monde bipolaire, la montée de la Chine, le lent effacement de la France. Son président Denis Sassou-Nguesso est le doyen du continent africain. Né en 1943, il joue un rôle de plus en plus important dans le Congo indépendant, d’abord comme militaire puis comme politique : il devient Président en 1979. Il perd les élections de 1992 et après un exil et une guerre civile revient au pouvoir en 1997. Dernier survivant de la génération de la décolonisation, il a côtoyé les géants de la décolonisation. De Houphouët–Boigny à Mandela, il les a tous connus. Il connaît également l’ancienne métropole, la France dont il a porté l’uniforme à 19 ans. Nous nous sommes rencontrés à Brazzaville mi-janvier. Cela a été l’occasion d’exercer un droit d’inventaire sur la vie du président et de faire le point sur le passé du pays qu’il dirige et sur sa vision du continent.
Causeur. Monsieur le Président, face à votre palais, de l’autre côté du fleuve, on peut voir une ville qui s’appelait Léopoldville et qu’on appelle aujourd’hui Kinshasa. Pourtant, votre capitale se nomme toujours Brazzaville. Pourquoi avoir gardé ce nom qui évoque la colonisation ?
Denis Sassou-Nguesso.
