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Démocratie, virus et procureurs

L’édito politique de Jérôme Leroy


Démocratie, virus et procureurs
Paris, 4 février 2021 © Stephane Lemouton -POOL/SIPA Numéro de reportage : 01003055_000014

L’exercice solitaire du pouvoir en période de crise sanitaire nous transforme en enfants manipulés.


C’est étrange, tout de même, ce que devient la démocratie à l’époque de la pandémie. D’un côté, Emmanuel Macron. C’est lui et lui seul qui prend les décisions concernant, de l’autre côté, 66 millions de Français ou, pour reprendre ses propres termes, « 66 millions de procureurs ». Pour Emmanuel Macron, être inquiet des ratés du vaccin, se demander quelle est, au juste, la politique mise en œuvre pour contrer le virus, c’est être un procureur. On aurait plutôt eu tendance à penser, au contraire, qu’il s’agissait là, précisément, d’être ce qu’on appelait naguère un citoyen. 

Entre deux portes

Cet exercice solitaire du pouvoir a été poussé jusqu’à la caricature quand Macron, le  29 janvier, a décidé qu’il n’y aurait pas de reconfinement alors que ses propres ministres et la plupart des scientifiques concernés annonçaient le contraire depuis plusieurs jours. Il a même poussé, ce jour-là, le sadisme jusqu’à la caricature puisque c’est le Premier ministre qui a été chargé d’annoncer, entre deux portes, le statu quo alors que venait  de se tenir le Conseil de défense. Un Castex ectoplasmique, réduit à un simple collaborateur de second ordre. 

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On peut s’interroger, nous, les procureurs, sur ce qui a motivé un tel choix. On nous a dit que les chiffres n’étaient pas si alarmants que ça, qu’une moyenne quotidienne de 25 000 contaminations et de 300 morts, c’était tenable. On rappellera par comparaison que 25 000 habitants, c’est tout de même une petite ville et que 300 morts, c’est l’équivalent d’un Airbus qui s’écraserait chaque jour.

Circulez, y a rien à voir !

Mais le président de la République avait décidé que. Mais le président de la République avait ordonné que. Mais le président de la République savait que. Mieux que tout le monde.  Circulez, y a rien à voir ! Même Delfraissy, le patron du Conseil scientifique, qui avait sonné le tocsin les jours précédents, mangeait son chapeau et déclarait, je cite, qu’ « on n’était pas à une semaine près. » On imagine difficilement comment aller plus loin dans l’autoritarisme et dans la manière de jouer avec les nerfs d’une population déjà épuisée psychiquement.

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Mais Macron ne se contente pas de montrer qu’il est « le maitre des horloges » selon la métaphore journalistique qui ne veut rien dire puisque, président ou simple citoyen, c’est le temps qui est notre seul vrai maître : on ne peut ni revenir dans ce passé qui nous semble si lointain – il y a pourtant à peine un an que nous vivons avec le virus- ni nous projeter plus vite dans un futur où nous nous retrouverions libérés de la pandémie dans une vie où l’on pourrait à nouveau se serrer la main, s’étreindre, se faire la bise, où l’on reverrait des amoureux à bouche que veux-tu sur les bancs publics chers à Brassens.

Les comités fantômes

Comble de l’hypocrisie, Macron veut en plus nous donner l’illusion, alors qu’il gouverne par ordonnances et que le parlement est devenu une chambre d’enregistrement pour procédures accélérées, que nous sommes toujours dans une démocratie. D’où les initiatives ridicules pour noyer le poisson comme ce comité de 35 citoyens pour évaluer la politique vaccinale. Un comité fantôme, dérisoire, déjà aux oubliettes, dont les avis n’auront guère plus d’effets que la Convention des 150 pour le climat.

Jamais une crise n’aura révélé à ce point ce que nous sommes devenus : ni des citoyens, ni des « procureurs » mais des enfants égarés par les rodomontades d’un monarque qui n’écoute plus que lui-même.

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