Au pays des droits de l’homme et de la liberté d’expression, un sujet demeure tabou : l’avortement et la souffrance qu’il engendre. Le Professeur Nisand, pourtant défenseur dès la première heure de la possibilité d’avorter, parle à ce sujet d’un véritable négationnisme. Celui-ci est organisé au plus haut niveau de l’Etat.
Tolérance zéro sur la liberté d’expression
En effet, après avoir créé un « délit d’entrave à l’avortement » étendu à toute pression morale ou psychologique, délit flou et interprété de façon extensive contrairement au principe d’interprétation stricte de la loi pénale, le gouvernement a inventé un «délit d’entrave à l’accès à l’information sur l’IVG » et parle maintenant d’un « délit d’entrave numérique » : toute personne qui oserait diffuser sur Internet des informations sur les aides existantes pour les femmes qui souhaiteraient garder leur bébé ou sur la souffrance que beaucoup de femmes connaissent après un avortement serait accusée de tromper les femmes et menacée des foudres de la justice.
Le gouvernement veut ainsi mettre en œuvre la « tolérance zéro » qu’il avait annoncée. Peu lui importe que cela implique de violer allègrement les libertés d’expression et d’information, fondements essentiels d’une société démocratique. Rappelons que le Cour européenne des droits de l’homme insiste régulièrement sur le fait que ces libertés valent non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Elle souligne aussi que cela fait partie du pluralisme, de la tolérance et de l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’y a pas de société démocratique.
Le ministre accuse les sites visés de donner une information fausse ou manipulatrice mais on pourrait aussi lui reprocher de diffuser une information partielle voire partiale : ni le site Internet officiel ni la brochure d’information donnée aux femmes qui envisagent d’avorter ne disent un mot sur la possibilité de garder son enfant ni sur les aides existantes. La seule issue proposée en cas de grossesse imprévue est l’avortement, présenté et revendiqué comme un droit et un choix.
75 % des femmes ayant avorté auraient préféré un autre choix
Cela n’empêche pas que, selon l’institut de recherche du Planning familial américain, 75 % des femmes qui ont avorté l’ont fait sous la pression de circonstances sociales ou financières mais auraient préféré faire un autre choix. Peut-on encore parler d’un droit ? D’une liberté ?
Il est temps de sortir des affrontements idéologiques stériles entre partisans et opposants pour regarder la réalité. Comme le dit depuis longtemps le Professeur Nisand, « Tout le monde peut s’accorder sur l’idée qu’il vaut mieux prévenir les IVG chez les jeunes plutôt que d’avoir à les réaliser, que ce soit du point de vue éthique, psychologique ou économique ». La nécessité de la prévention est omniprésente dans la loi Veil, et a même été rappelée comme ayant un « rôle majeur » dans la résolution de l’Assemblée nationale du 26 novembre 2014 « réaffirmant le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe ». C’est aussi un engagement international des Etats, répété notamment lors de la Conférence du Caire sur la population et le développement et la conférence de Pékin sur les droits des femmes.
C’est la perspective choisie par une équipe de juristes, sous la direction de Grégor Puppinck, qui publie un ouvrage intitulé Droit et prévention de l’avortement en Europe chez LEH édition. S’appuyant sur des recherches approfondies fondées sur des sources françaises et internationales diversifiées (études juridiques, scientifiques et sociologiques, presse etc), cet ouvrage examine les causes et les conséquences de l’avortement et propose des mesures concrètes de prévention pour que l’avortement ne soit plus une fatalité. Les femmes ont aussi le droit de ne pas avorter.
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