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Programmes DEI enterrés: Trump passe les wokes à la poêle

Est-ce la fin de la discrimination positive ? Quelles leçons pour la France ?


Programmes DEI enterrés: Trump passe les wokes à la poêle
La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi et d'autres membres du Congrès, s'agenouillent et observent une minute de silence au Capitole, le lundi 8 juin 2020 à Washington, lisant les noms de George Floyd et d'autres personnes tuées lors d'interactions avec la police © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA

Les États-Unis ne reconnaîtront désormais plus que deux sexes: masculin et féminin, définis à la naissance. Tout programme fédéral visant à promouvoir la “diversité” est immédiatement abrogé. Le commentaire de Céline Pina.


Si on s’interroge sur ce qui a motivé le vote des Américains pour un personnage aussi caricatural que peut parfois l’être Donald Trump, le décret qu’il vient de signer suspendant les employés fédéraux chargés des programmes de diversité et d’inclusion l’illustre. Là où en France, on peut se gargariser de paroles définitives sur la rupture avec l’Algérie ou sur la suppression des agences gouvernementales aussi pléthoriques qu’en partie inutiles, sans que jamais rien ne bouge, quand Donald Trump annonce ce genre de chose, il met ses déclarations à exécution. Non sans une certaine brutalité.

Fin de la DEI

C’est ainsi que signé mardi, le décret qui marque l’arrêt de fait de la promotion de la diversité, donc de la discrimination positive dans les services de l’État, prend effet dès mercredi. Cette rapidité a pour but de montrer à quel point la lutte contre l’idéologie woke est au cœur de la matrice trumpienne. Trump a compris que le wokisme générait une réaction de rejet anthropologique très forte qui lui a permis d’élargir sa base électorale et d’être crédité d’une forme de rationalité, rendant acceptable sa personnalité explosive. Cela explique l’insistance sur la question de l’existence de deux sexes lors du discours présidentiel. S’il a pu être vécu comme curieux ici, ce passage est pourtant fondamental, il marque le retour affiché d’une forme de bon sens crédité de populaire face aux excès de vertu du puritanisme woke, associé, lui, à un élitisme perverti. Ce retour au réel marque les esprits. Là où la discrimination positive s’est transformée en entreprise de culpabilisation et de mise en accusation des Blancs notamment, Donald Trump, en s’attaquant à cette vision idéologique retourne aux sources d’une Amérique melting pot où n’importe qui peut changer son destin par son travail ou son mérite, et pas parce qu’un groupe ethnique prédéfini et vu comme favorisé le lui devrait au nom de souffrances passées.

Si les excès de ces politiques les avaient rendues difficilement défendables, il n’en reste pas moins qu’il y a chez Donald Trump un mépris palpable pour ceux qu’il considère comme des minorités, ce qui dans sa bouche résonne souvent comme « inférieurs ». Sa façon de considérer les femmes, les homosexuels, les migrants est souvent rabaissante et vulgaire. Il y a une dimension de violence chez le président américain qui interroge, mais c’est aussi cette dimension-là qui le rend crédible. Les peuples occidentaux voient se dresser en face d’eux des dirigeants impérialistes aussi dangereux que déterminés, les Erdogan, Poutine, Xi Jinping remettent au goût du jour la violence politique, la conquête territoriale, l’agression militaire tandis que l’islamisme fanatise une partie des masses musulmanes, chez nous comme ailleurs, remettant en cause notre civilisation.

Part de folie

Dans un tel cadre, qui est crédible quand il s’agit de tordre le bras au Hamas ou de s’opposer à Vladimir Poutine ? Les technocrates qui nous servent de dirigeants ou Donald Trump ? Qui est crédible quand il menace ou négocie, Trump ou Biden ? Qui est capable de tenir un rapport de force dans un monde de plus en plus menaçant ? C’est à cette question-là que les électeurs américains ont répondu. Ils connaissent les limites et la part de folie de Trump, mais s’ils ont mis de côté l’histoire du Capitole, c’est parce que cela les inquiétait moins que le monde fictionnel, délirant et finalement oppressant qu’a fait naitre sur les campus, dans les administrations et les entreprises, l’idéologie woke aux États-Unis. Une idéologie qui se répand justement à travers ces programmes de diversité et qui s’appuie sur la négation du mérite individuel au profit de l’appartenance ethnique. Une politique qui excite le ressentiment et la victimisation puisque c’est au nom d’une oppression subie que sont octroyés des avantages raciaux. Reconnaitre que la situation s’améliore et que l’égalité progresse mettrait fin à ces avantages. La marche vers l’égalité est donc censée être un objectif, mais il est nécessaire que celui-ci ne soit jamais atteint pour préserver l’avantage compétitif que constitue la discrimination positive, ce qui aboutit à entretenir fractures sociales et haine raciale.

Et en France ne direz-vous ? Avons-nous ce type de programme ? Bien sûr, nous ratons rarement l’occasion d’importer ce qu’il y a de pire aux États-Unis chez nous. Nous avons donc ouvert, notamment au sein de l’Université, des petits dominions d’inquisition. Car derrière le joli mot de « diversité », fort peu inclusif au demeurant puisqu’il exclut les blancs, se cache une réalité de mise en accusation de « racisme systémique ». Ce type de service est ainsi censé répondre au racisme inconscient qui régnerait dans la société et les administrations. Il doit donc révéler les intentions cachées derrière les programmes et recrutements, montrer leur dimension raciste et excluante et proposer des mesures. C’est un statut qui peut assez rapidement donner lieu à des comportements de commissaire politique et à une prise de pouvoir au sein des Conseils d’administration. Cette prise de pouvoir se faisant par le biais de la morale et de la lutte anti-raciste, je souhaite bien du courage à ceux qui voudraient la combattre.

En France, une autre menace

Mais chez nous, derrière ces programmes se profile une réalité bien plus inquiétante que le wokisme, il s’agit de l’islamisme. Les woke ne sont qu’un cheval de Troie pour eux. Ce qui les intéresse derrière le discours sur le racisme systémique, c’est la critique absolue de la civilisation occidentale présentée comme un leurre : si elle a échoué à combattre le racisme, c’est parce que cette société l’est par nature et ne peut s’en guérir. Elle peut juste faire pénitence, renoncer à ce qu’elle est, se convertir… C’est dans cette faille que s’engouffre l’islamisme, expliquant aux musulmans qu’ils ne peuvent rien attendre d’une telle société car elle ne peut s’améliorer qu’en s’autodétruisant. Cela explique pourquoi les conférences militantes sur l’islamophobie, qui font régulièrement scandale à l’université, sont souvent associées aux programmes d’inclusion et de diversité. Il s’agit ici de faire valider scientifiquement un discours sur la persécution des musulmans et l’islamophobie régnant en Europe. Cela paralyse l’action des pouvoirs publics, incités à donner des gages aux islamistes en espérant rallier les musulmans et enferme des populations ghettoïsées dans un discours de haine qui ne les aide pas à trouver leur place et donc leur semble confirmer la lecture très sombre des islamistes.

Alors gagnerions-nous à nous attaquer également à ces programmes ? Probablement lorsqu’ils sont fondés sur des bases raciales ou confessionnelles. En revanche, le travail sur l’égalité, lui, n’est pas terminé et la question de la prise en compte du handicap, de la maladie et des inégalités persistantes selon le sexe ou la pratique sexuelle ne méritent pas d’être abandonnées. Quant aux agences gouvernementales, qui réussissent souvent à être aussi inutiles que dispendieuses, un grand ménage doit être fait, mais un peu de discernement ne nuit pas. Si la suppression du Pass culture ou du Défenseur des droits serait un plus, la disparition de l’Autorité de Sûreté Nucléaire serait plus discutable, par exemple.

Mais la question ne se pose pas, un pouvoir sans majorité n’a probablement pas la puissance requise pour s’attaquer à des dossiers aussi explosifs politiquement. Un pouvoir faible se caractérise par son impuissance, c’est exactement l’inverse qu’a montré Donald Trump en mettant en scène la signature de ces décrets qui font tant parler.




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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