De plus en plus inquiétant, après avoir scandé « À bas la mauvaise République » lors du 1er-Mai, le patron de l’extrême gauche française a jugé la cérémonie de couronnement de Charles III « écœurante ».
C’est plus fort que lui, il faut qu’il la ramène. À tout propos. Et surtout hors de propos. Se taire est manifestement au-dessus de ses forces. Se taire, observer un certain silence, celui par quoi on entend éventuellement manifester son rejet, son mépris, voire son dégoût. Ou encore, se taire parce que le respect l’impose, même si ce qu’on a sous les yeux vous reste totalement étranger. Le silence de courtoisie ou d’élégance, pour tout dire. Inépuisable incontinent du verbe, Monsieur Mélenchon ignore cette élégance-là aussi. En imprécateur compulsif, il fait son fiel de toute chose.
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Esprit étroit et chagrin
Du couronnement du roi Charles III il n’a pas su saisir ce moment privilégié où tout un peuple se met en congé d’idéologie partisane pour adhérer à un rite hors du temps où se mêlent dans une improbable alchimie la liturgie du sacré, le faste profane des ors, le glamour des princesses à capeline, la rectitude de la parade militaire.
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L’esprit chagrin, l’esprit étroit de notre Robespierre de tribune reste imperméable à cela. Il demeure étonnamment insensible à cette ferveur du peuple, du peuple assemblé en une masse impressionnante, foule immense absolument non violente qui clame tout simplement son vif plaisir, son bonheur de se voir un temps transportée au-delà des contingences d’une réalité tout aussi pesante, tout aussi angoissante que l’est la nôtre. Ils étaient en effet des dizaines de milliers et des dizaines de milliers sous la pluie battante, rassemblés dans une communion populaire dont les esprits forts prédisaient qu’elle ne se produirait pas. Ils assuraient, ironiques, qu’il faudrait payer les gens pour qu’ils consentent à sortir de chez eux. Or, ils sont venus. En si grand nombre qu’on ne peut que se rendre à l’évidence : autour de ces rites et grâce à eux, il se passe quelque chose qui transcende la basse rationalité du politique ou du médiatique. Monsieur Mélenchon, lui, n’a voulu y voir que « les sirops dégoulinants de la monarchie (sic) ». Courte vue une fois encore. Mais y a-t-il si loin que cela du sirop à l’élixir ? Élixir de joie et de jouvence en l’occurrence car cette foule accourue frappait aussi par sa jeunesse. Pour un peu, le contempteur Mélenchon toucherait donc du doigt la vérité profonde, la magie de cette parenthèse enchantée. Cependant, jamais avare de démagogie, il a tenu à souligner que cela survient alors que « tant de monde vit dans la misère ». Est-il besoin de lui rappeler que ces miséreux ne sont pas moins nombreux – il s’en faut!- chez ses copains autocrates d’Amérique centrale et du Sud qui, pourtant, tout comme lui, ne manquent pas une occasion de se glorifier d’être immunisés à jamais contre le spectre de la monarchie et ses éventuels sirops ?
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