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Décrocheurs du portrait de Macron: on leur passe tout, on leur dit rien

A Lyon, en relaxant les militants écolos, la justice incite à la jacquerie


Décrocheurs du portrait de Macron: on leur passe tout, on leur dit rien
Militants à Strasbourg en juin 2019 © Christoph de Barry / Hans Lucas

Jean-Luc Mélenchon se plaint d’être la victime d’une « justice politique ». Il n’a pas complètement tort, mais ce n’est pas du tout ce qu’il croit. Dans l’affaire des décrocheurs de portraits de Macron dans les mairies, notre justice prononce des décisions idéologiques et infondées juridiquement.


 

Au fond, peut-être que Jean-Luc Mélenchon a raison lorsqu’il évoque l’idée d’une justice politique en France. Le 16 septembre dernier, le Tribunal correctionnel de Lyon semble lui donner raison après avoir rendu, dans l’affaire dite des décrocheurs de portraits, une décision politique, pour ne pas dire complètement militante. En effet, le Tribunal a relaxé les fautifs au motif qu’ils étaient engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique !

Ces décrochages ont peut-être été motivés par les plus nobles raisons. Mais rien n’autorisait le juge à confondre la légitimité de la cause défendue et la légalité de l’action entreprise. C’est pourtant ce qu’il fit.

Violence symbolique

Deux personnes, Pierre Goinvic et Fanny Delahalle (déjà connues des services de police), militants de « l’association non violente COP 21 » comparaissaient devant le Tribunal correctionnel pour avoir, en février dernier, décroché le portrait officiel du Président de la République disposé en salle des mariages de la mairie du 2ème arrondissement de Lyon. Il s’agissait pour les prévenus de protester contre l’inaction de l’Etat en matière climatique. Bon.

Au-delà de son caractère particulièrement pathétique et inutile, cette démarche revêt une forte dimension symbolique : ce n’est pas le portrait d’Emmanuel Macron qui a été illégalement retiré, mais celui du Président de la République.

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Aux termes de notre Constitution, le Président de la République est le premier personnage de l’Etat et, garant des institutions, il dispose de la légitimité du suffrage universel pour incarner la Nation.

Il voit son portrait affiché en mairie en raison d’une tradition républicaine destinée à manifester, au-delà des clivages politiques, la permanence des institutions de la République. Ce n’est pas la figure du roi en majesté qui trône en mairie mais bien celle du représentant que les citoyens ont démocratiquement choisi.

Décrocher le portrait présidentiel, symboliquement, correspond alors à une démarche extrêmement violente et agressive. Elle s’apparente à la négation de la légitimité du Chef de l’Etat et à une remise en cause des institutions de la République. A quelles occasions voit-on un portrait d’un chef d’Etat enlevé ? De la statue équestre de Louis XIV aux bustes de Lénine, l’histoire nous enseigne que cela n’a de sens qu’en révolution. Il ne suffit pas de se prétendre non violent pour se croire dégagé de toute responsabilité, car sous couvert d’une action prétendument non violente, les activistes ne peuvent faire semblant d’ignorer qu’ils s’en prennent à la République. La violence peut s’exercer symboliquement.

Un juge vert ?

On relèvera que lors de l’audience publique, les prévenus ont reçu le soutien de Cécile Duflot, ancienne ministre, dont on se souvient que son conjoint, le 14 juillet 2013, avait qualifié de « défilé de bottes » le défilé sur les Champs-Elysées. Il existe une certaine cohérence à soutenir les expressions qui manifestent peu de respect envers les institutions républicaines.

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Alors qu’on attendait du Tribunal correctionnel qu’il dise le droit, le juge se sera pourtant permis de délivrer son opinion personnelle en se confondant dans des considérations militantes fondées sur des interprétations juridiques inexactes.

En particulier, le juge se sera fourvoyé dans des élucubrations en droit constitutionnel pour considérer que les pouvoirs du Président de la République, « conjugués à une élection au suffrage universel direct, introduisent une relation particulière entre cette autorité avec les citoyens admis à exercer un contrôle de la politique nationale sans être en mesure d’interroger individuellement cette autorité, eu égard notamment au nombre représenté par les premiers et à la protection due à la personne du second ; que dans l’esprit de citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l’intérêt général, le décrochage et l’enlèvement sans autorisation […] doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple ».

« Dialogue impraticable »

Si l’on veut bien admettre que pour le juge pénal le droit constitutionnel correspond à des souvenirs de première année de droit, rien ne justifiait qu’il s’écarte de son rôle limité à dire le droit.

Il existe bien une relation particulière entre les citoyens et le Président de la République, l’un est élu par les autres, il est chef de l’Etat, sa responsabilité est politique et est remise en jeu tous les cinq ans à l’occasion des élections présidentielles.

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Cette relation particulière ne conduit pas, contrairement à ce qu’indique le juge, à la mise en place d’un dialogue direct entre le Président de la République et tous les citoyens, cela n’a aucun sens.

C’est pourtant à la notion de « dialogue impraticable » que se réfère le magistrat, notion sortie de nulle part, dont le caractère impraticable semble impliquer qu’il existerait une défaillance originelle dans l’organisation des pouvoirs publics en France. Monsieur le juge remet donc en cause la Vème République, ce n’est pas tout à fait ce qu’on lui demande.

Un jugement qui est une incitation à la jacquerie

Pourtant, et contrairement à ce que laisse sous-entendre son jugement, les citoyens sont effectivement admis à exercer un contrôle de la politique nationale, ce dernier s’exerce par les représentants du peuple, l’assemblée, sur le Gouvernement qui conduit cette politique. Au mieux la position exprimée par le juge révèle un mépris du parlement, au pire elle manifeste un encouragement à la jacquerie.

On tombe des nues en lisant que le décrochage et l’enlèvement d’un portrait du Président de la République serait « nécessaire » comme substitut à ce « dialogue impraticable». Nécessaire? En droit, il y a nécessité de commettre une infraction lorsque la réalisation de cet acte permet de sauvegarder un intérêt supérieur, la jurisprudence a déjà pu l’admettre pour un vol de pain destiné à nourrir des enfants qui n’avaient pas mangé depuis deux jours ou encore pour un passant ayant brisé la vitre d’un véhicule pour porter secours à un enfant exposé au soleil à l’intérieur. En quoi décrocher le portrait du Président de la République est nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Dormez tranquilles, révolutionnaires du dimanche !

Plus grave encore, en posant cette affirmation, le juge considère que dans cette affaire étaient donc face à face, le président de la République et le peuple ! Si Emmanuel Macron est incontestablement légitime à incarner la figure du premier, quelle autorité a donné mandat à Monsieur Goinvic ou à Madame Delahalle pour parler au nom du peuple ? Les deux activistes lyonnais n’avaient pas à eux-seuls le droit de s’auto désigner représentants du peuple. Personne ne les a choisis et ils ne représentent qu’eux-mêmes.

C’est donc sur un raisonnement fondé sur le mépris du droit et animé par une vision particulièrement populiste de la démocratie qu’ont été relaxés nos révolutionnaires du dimanche.



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