La « crainte du relâchement » ne doit pas servir de prétexte à des dérives liberticides
Lundi 11 mai était le premier jour du déconfinement. Une date attendue avec impatience par beaucoup de nos concitoyens, pressés de retrouver une vie normale, mais également redoutée par d’autres, échaudés par le danger invisible dont on leur a rabâché les oreilles pendant ces longues semaines.
Passons sur le caractère discutable de ce confinement dont de nombreux spécialistes, à l’image du Professeur Raoult, doutent de l’efficacité. Ce qui est fait est fait, et l’état d’urgence sanitaire voté à la hâte en mars dernier a permis légalement de prendre les mesures très restrictives auxquelles la population a globalement accepté de se soumettre, montrant une docilité difficile à comprendre dans un pays qui a pourtant érigé la liberté comme l’une de ses valeurs fondamentales.
Attention confinement saison 2
Mais alors que cette étrange parenthèse s’achève enfin, des voix s’élèvent déjà pour évoquer la « deuxième vague » qui s’annonce en cas de non-respect des gestes barrières et de la distanciation. Pire, le risque de « relâchement » pourrait entraîner un « reconfinement d’urgence », d’ailleurs prévu si nécessaire dans le plan de déconfinement présenté par Jean Casteix.
La crainte du « relâchement » ne doit pas devenir un prétexte de nature à éterniser une situation qui a vocation à rester exceptionnelle, temporaire et très encadrée
Des hypothèses catastrophistes, comme nos pouvoirs publics en ont le secret depuis le début de la gestion de cette crise, relayées abondamment par de nombreux médias qui semblent regretter que les choses aillent globalement mieux, se font jour. On se met à chercher le moindre grain de sable qui pourrait venir enrayer cette amélioration objective de la situation. À croire que certains préféreraient presque une nouvelle vague épidémique à la place de la vague d’optimisme pourtant particulièrement bienvenue en ces temps économiquement difficiles…
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Mais alors que le pays semblait retrouver cette liberté dont on l’a privé pendant près de deux mois, quelques dizaines de Parisiens ont commis l’impensable en allant prendre un petit apéro au bord du Canal Saint-Martin, dans un calme olympien, sans aucun débordement, visiblement heureux de se retrouver après ces longues semaines d’isolement pour partager un moment sympathique. Et ce, malgré une météo très peu engageante, ce qui en dit long sur le besoin des gens de retrouver au plus vite une vie normale.
Immédiatement, on a pu voir arriver les forces de l’ordre, mégaphone en main, policiers en tenue comme policiers en civil brassard orange au bras, invitant tous ces « irresponsables » à se disperser.
Beaucoup de commentateurs ont fustigé l’attitude de ces Parisiens qualifiés d’inconscients, présentés comme trop peu respectueux des distanciations, égoïstes voire criminels. Peut-être… mais ce qui semble également inquiétant, c’est que trop peu se sont demandés de quel droit était-on venu leur demander de partir ?
Si la prolongation de l’état d’urgence sanitaire implique de nouvelles restrictions (les fameux cent km à ne pas dépasser ou l’interdiction de se réunir à plus de dix personnes sur la voie publique), il faudrait veiller à ce que les forces de l’ordre ne fassent pas une interprétation trop extensive de ces règles. Dans le cas présent, une multitude de petits groupes de moins de dix personnes ne peuvent pas être considérés comme contrevenant à cette règle trop difficilement applicable en ville, sauf à considérer qu’elle s’accompagne d’un espace géographique précisément délimité, ce qui s’avère là aussi totalement irréaliste.
Un arrêté pris dans l’urgence pour que la situation ne se reproduise pas ce soir
Mécontente de la situation, la préfecture de Police de Paris n’a rien trouvé de mieux à faire qu’interdire par arrêté la consommation d’alcool au bord du canal. Les ventes de soda et de jus de pomme devraient alors, logiquement, augmenter dans les supérettes du coin. Malgré le déconfinement, la pression constante et l’infantilisation de la population ne semble pas faiblir.
Peu avant, dans la journée, ce sont quelques manifestants se revendiquant des gilets jaunes qui ont tenté de se réunir malgré les interdictions aux abords du ministère de la Santé et sur la place de la République.
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Si ces derniers ont presque aussitôt été arrêtés par des forces de l’ordre en grand nombre, parmi lesquelles les brigades motorisées si décriées et massivement utilisées dans les manifestations de l’année dernière, il faut tout de même noter la disproportion entre le danger réel et les moyens répressifs utilisés, qui doivent là aussi interroger sur le rapport à l’autorité de ce gouvernement.
Au motif de sécurité sanitaire, nos dirigeants semblent visiblement mal à l’aise avec les libertés, toujours dans un deux poids – deux mesures effarant lorsque l’on songe à tous les incidents qui ont pu émailler la période de confinement dans certains quartiers, malgré les dénégations du ministre de l’Intérieur quant à leur gravité.
Il conviendra alors de s’interroger et de rester attentif à ce que la crainte du « relâchement » ne devienne pas un prétexte de nature à éterniser une situation qui a vocation à rester exceptionnelle, temporaire et très encadrée.
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