Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.
C’était il y a une dizaine d’années. J’étais allé soutenir les salariées d’une maison de retraite, mobilisées pour de meilleures conditions de travail et une revalorisation des salaires. En échangeant avec moi, l’une d’entre elles s’est soudainement arrêtée de raconter son quotidien. Plus la force. Sa dernière phrase, noyée dans des larmes, s’était achevée par un constat dont je conserve encore aujourd’hui le souvenir précis : « Je pousse un cri mais dans le vide, je n’intéresse personne. » Avant cela, elle m’avait dit : « La toilette des résidents c’est tête/cul en cinq minutes, on n’a même plus le temps d’un échange humain. À force d’être maltraitée, on en devient maltraitante. » On ne dira jamais assez combien le développement d’une société se juge à la situation faite aux plus vulnérables.
À l’heure où ces lignes sont écrites, au lendemain du premier tour des législatives, c’est en très grande partie ce cri qui s’est fait entendre. Il vient de loin, bien avant ces dix dernières années. Il a fait irruption dans notre vie politique et sociale, mais n’avait jamais disparu des âmes humaines ; des bides et des entrailles. Des vies sans répit. Des vies sans les petits bonheurs de l’existence et de l’insouciance d’autrefois. Un resto avec les enfants, un cinéma, quelques jours de vacances… Un lâcher-prise sans avoir la crainte de la prochaine facture de gaz et d’électricité, ou celle de la voiture qui ne démarre pas au petit matin. Et cette diablerie de Parcoursup qui a changé la joie de réussir son bac en angoisse de l’inscription.
Le déclassement et le mépris
Plus encore, ce cri n’est pas la seule traduction d’une vie matérielle de plus en plus rabougrie, mais l’expérience concrète d’un déclassement. Non pas d’un « sentiment », mais bel et bien d’un toboggan sans la possibilité de s’accrocher afin d’éviter la chute. Ne plus être considéré et même être méprisé pour ne pas vivre au bon endroit, pour ne pas avoir bien voté lors de la dernière élection, pour ne pas regarder le bon programme télé. En ce domaine, le macronisme a été le terminus d’un long processus d’un nouveau mépris de classe, avec une violence extrême pour la dignité humaine, quand une trop grande partie de la gauche a regardé ailleurs.
Je suis d’une gauche qui, avec Ariane Mnouchkine, a dit : « Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds. »
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Cette gauche ne doit pas se contenter de faire « barrage », car ce logiciel est définitivement en cale sèche. Un peuple a besoin d’un imaginaire à partager. Et c’est bien sur ce terrain, et sur nul autre, que nous devons échanger et nous confronter.
Vous pouvez compter sur moi. Je ne vous lâcherai pas !