Et si l’assouplissement des normes, promis aux agriculteurs en colère, faisait tache d’huile dans d’autres secteurs? Notre chroniqueur rappelle son combat au long cours contre l’inflation législative et administrative… Arrêtons d’emmerder les Français!
Pourquoi la cause et le combat des agriculteurs ont-ils suscité un tel soutien, une telle adhésion de la part d’une immense majorité de nos concitoyens ? Parce que d’abord leurs revendications étaient légitimes. Mais surtout à cause du fait que beaucoup se retrouvaient dans leur dénonciation des normes, de la bureaucratie et de l’étouffement de notre liberté et de notre indépendance par une Union européenne prête à faire se déliter notre identité nationale à force d’abstractions déconnectées du réel.
Bureaucratie procédurale à tous les étages
Cela fait longtemps qu’à mon modeste niveau, et nous n’étions pas nombreux à assumer ce point de vue, j’ai mis en cause l’institution judiciaire dans son registre pénal – aussi bien pour les enquêtes que pour les instructions – pour sa propension à la bureaucratie procédurale. Elle n’a cessé de s’accroître ces dernières années. J’ai déploré que la police et la gendarmerie soient ligotées par un formalisme et un pointillisme stérilisants, ce qui les a conduits à consacrer beaucoup moins de temps aux investigations, dans les délais légaux qui leur étaient impartis, qu’à une paperasserie et à des mentions et vérifications que j’ai toujours considérées comme inutiles, voire superfétatoires. Il faudrait tenir compte de la présence obligatoire de l’avocat, du contrôle et de la contradiction qu’elle permet, pour alléger le poids des normes et de la forme.
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Pour le travail des juges d’instruction – certes l’ouverture d’informations s’est beaucoup réduite – il est miraculeux que le carcan procédural, les délais stricts, le byzantinisme et la sophistication des règles dans lesquels on les a enfermés, n’aient pas abouti plus souvent à des catastrophes au détriment de la sauvegarde de la société. Il est impossible – ce sera également vrai pour les juridictions de jugement, notamment les cours d’assises – de se libérer de ces entraves prétendument nécessaires à l’État de droit pour offrir au justiciable, au plaignant, à la partie civile, au prévenu ou à l’accusé une justice humaine, une confrontation des visages et des paroles, un échange des regards, un dialogue authentique. Il est effarant – je l’ai parfois constaté dans ma vie d’avocat général – de relever que la médiocrité de certaines présidences a été aggravée par l’enfouissement dans des dossiers et la vigilance tatillonne. Non pas pour mieux appréhender le fond ou écouter plus attentivement, mais pour ne pas risquer de transgresser une disposition d’intérêt très secondaire.
Enlever l’inutile, partout
Il faut débureaucratiser la Justice dans toutes ses dimensions en plaçant au premier plan la relation de confiance avec les citoyens. Comme la politesse n’est plus d’actualité, il conviendrait d’imposer toujours et partout une réponse aux demandes et aux courriers des justiciables.
Mon expérience d’ancien magistrat et de citoyen engagé m’autorise à dire qu’il y a là une béance, un vide, un manque dévastateur. Quant aux Cours européennes, si elles cessaient d’énoncer des obligations qui relèvent de banalités – délai raisonnable, égalité des armes, etc. – ce serait à saluer. De même qu’on leur saurait gré de ne pas, au nom d’abstractions aussi généreuses que stériles, empêcher nos pays d’exercer en leur sein une véritable autorité régalienne efficace et à la fois respectueuse des droits élémentaires. Débureaucratiser, c’est enlever de la graisse et de l’inutile partout. Contre l’obésité et l’impuissance.
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