Les deux candidats à l’élection présidentielle se retrouvent, ce soir, cinq ans après leur premier débat. L’émission convaincra-t-elle certains électeurs indécis ? Que faut-il en attendre ?
Première question: combien serons-nous ce soir ? La désaffection pour la politique, cette tarte à la crème du commentaire politique, se verra-t-elle dans les audiences ? Comme le vote, regarder le débat est une expression de l’appartenance collective. L’idée que, par-delà nos divergences et différences, nous nous intéressons suffisamment à notre destin collectif pour passer devant notre télé ou notre radio deux heures qui seront possiblement ennuyeuses.
Bien sûr, on attend un spectacle, un affrontement, et des formules choc même si le plaisir qu’elles suscitent est un peu amoindri par le fait qu’elles auront été ciselées par les communicants.
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Mais en même temps, on espère une dispute civilisée. Une preuve qu’il y a au minimum entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen un accord sur le désaccord. Si on excepte le duel Mélenchon/Zemmour et le consternant Pécresse/Zemmour, ce débat sera la première confrontation entre candidats de notre drôle de campagne présidentielle. De ce point de vue, la balle est dans le camp de Macron. Espérons qu’il nous épargnera les arguments consternants que ses soutiens ont martelés depuis dix jours sur le fascisme qui nous menace. Et qu’il n’affichera pas le mépris du surdiplômé pour les moins titrés qui caractérise souvent son camp…
Quel est l’enjeu de ce rituel ?
Difficile de dire s’il y a vraiment un enjeu. Tous les spécialistes affirment péremptoirement qu’on n’a jamais vu un débat changer un vote. Pourtant, toujours à entendre ces mêmes commentateurs, selon des sondages, 15% des électeurs disent que leur opinion n’est pas faite et qu’elle pourrait donc évoluer ce soir.
En matière de Justice, on dit que l’oralité et la publicité des débats sont les conditions de la manifestation de la vérité. Alors peut-être que l’utilité de ce débat est de faire émerger une vérité. Pas seulement celle des personnalités – ce qu’on nous serine sans arrêt – et encore moins celle des programmes, catalogues de promesses qui n’engagent que ceux qui y croient.
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Contrairement à la plupart des journalistes, nous ne nous attendons pas à ce que les deux candidats nous parlent de la vie concrète. Tout le monde a une « vie concrète » différente, et on ne peut pas parler de tout en deux heures trente. Ce que nous attendons, c’est la vérité de deux visions de la France car, dans le fond, la grande différence entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est culturelle. Ce qui nous intéresse, c’est leur colonne vertébrale idéologique, leur rapport à la France, au passé, aux frontières, à l’identité. Les grandes questions.
Notre directrice de la rédaction, Elisabeth Lévy, ajoute un dernier critère essentiel pour que le débat de ce soir soit réussi : « j’ai très envie de voir la volonté de chacun de s’adresser aux électeurs de l’autre, de parler à tous les Français plutôt que de rester dans son couloir. » Bref, ce qu’on voudrait tous avant toute chose, c’est voir deux personnes qui ont au moins en commun leur souci du bien commun !
Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio
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