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De quoi j’me mêle ?


De quoi j’me mêle ?
Hillary Clinton veut faire la loi en France.
Hillary Clinton
Hillary Clinton.

« Nous ne pensons pas qu’il faille légiférer sur ce que les gens ont le droit, ou pas, de porter en fonction de leurs croyances religieuses. Aux États-Unis, nous prendrions d’autres mesures pour assurer l’équilibre entre la sécurité, d’une part, et d’autre part le respect de la liberté religieuse et des symboles qui lui sont associés », a poursuivi le porte-parole. Ces propos ont été tenus récemment lors d’un point de presse de Philip Crowley, porte-parole du Département d’État, qui était sollicité de donner son avis sur le vote, en première lecture à l’Assemblée nationale, de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public français.

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On a rarement vu, pour ainsi dire jamais, un officiel d’un pays allié et ami de la France intervenir aussi grossièrement dans les affaires intérieures de notre République. De surcroît, le factotum d’Hillary Clinton n’attend même pas que le processus législatif soit allé jusqu’à son terme pour formuler un jugement sur une loi qui ne le concerne en rien.

Ingérence dans une affaire française

On ne manquera pas de s’étonner que cette ingérence manifeste dans les affaires intérieures françaises ait suscité si peu de réactions dans les médias, et une réplique plutôt molle de l’homologue français de Crowley, Bernard Valero, porte-parole du Quai d’Orsay. Celui-ci prend acte que l’on ne peut être d’accord sur tout des deux côtés de l’Atlantique et que la France désapprouve, par exemple, l’application de la peine de mort dans de nombreux États de l’Union. Pas la moindre petite formule diplomatique pour dire en langage fleuri que ce Crowley avait perdu une bonne occasion de se taire.

Imaginons un instant que l’administration Bush se soit permis une sortie de ce genre sur une loi française en cours d’adoption qui lui aurait déplu. On aurait vu les paladins de l’indépendance nationale, les éditorialistes, les professionnels de l’indignation monter au créneau pour fustiger cette intolérable intervention d’un Texan inculte dans les travaux législatifs du Parlement de la patrie des droits de l’homme. On avait déjà pu avoir un aperçu de ce comportement lors de la fameuse sortie du ministre de la défense Donald Rumsfeld, en 2003, distinguant une « vieille Europe » réticente à aller guerroyer en Irak, et une « nouvelle Europe », essentiellement composée d’anciens pays communistes prête à suivre Washington sur ce terrain.

Une fixation obsessionnelle d’Obama

Au-delà de cette mauvaise manière, on peut se demander pourquoi Barack Obama et son administration font une fixation obsessionnelle sur la manière dont la France gère son espace public, et sur sa conception de la laïcité. Déjà lors de son fameux discours du Caire du 4 juin 2009, le président américain s’était permis une allusion limpide à la loi interdisant le foulard islamique dans les lycées et collèges, à la grande joie de son auditoire égyptien.

Jamais, en revanche, on n’a pu trouver dans les interventions publiques de Barack Obama de condamnation en bonne et due forme des lois concernant les femmes et la famille appliquées dans nombre de pays islamiques.

Sur cette question, il peut, certes, s’appuyer sur une majorité de citoyens des États-Unis (68 % selon un sondage récent du Pew institute) qui seraient opposés à l’interdiction du voile intégral dans leur pays. Mais taper sur les Français pour se faire applaudir chez lui et dans le monde arabo-musulman, c’est vaincre sans péril et triompher sans gloire. Le délabrement de notre diplomatie, justement pointé par Jean-Christophe Rufin, n’explique pas à lui seul ce manque de sursaut d’orgueil des autorités françaises. Rien n’aurait empêché Bernard Kouchner de donner ce fameux coup de menton autoritaire qui signale qu’il n’est pas content du tout. Il aurait même pu trouver là l’occasion de prouver qu’il sert à quelque chose. Veut-on préserver les chances d’EADS pour l’obtention du marché du siècle des avions ravitailleurs de l’US Force ? L’expérience, et pas seulement celle des westerns, montre que l’on ne perd jamais, y compris des marchés, en se faisant respecter.

De plus, les têtes d’œufs du Département d’État n’ont même pas l’air d’avoir lu le texte qu’ils stigmatisent. L’aspect sécuritaire de cette loi, le seul qu’évoque Philip Crowley, n’en est pas le cœur, même si elle constitue une entrave pour des braqueurs voulant s’approcher en tapinois du lieu de leur forfait. Cela s’est vu. Elle témoigne de la persistance de la France à maintenir, contre vents et marées, son modèle intégrateur, et de refuser le relativisme culturel dont les Américains, et plus particulièrement ceux qui se réclament de la gauche se font les défenseurs.

Ceux qui la critiquent en France n’en contestent pas le principe : le PS s’est abstenu lors de son vote en première lecture en argumentant sur les difficultés que poserait sa mise en application. Seuls les suspects habituels, communistes et Verts islamolâtres ont voté contre. Eux, au moins, sont conséquents : ils manifestent avec les partisans du Hezbollah, et acceptent l’enfermement des femmes musulmanes dans l’invisibilité.

On attend donc qu’Éva Joly et Marie-Georges Buffet manifestent leur solidarité en se présentant au Palais-Bourbon la tête enchiffonnée d’un niqab noir. Cela pourrait leur valoir, qui sait, une invitation à dîner à la Maison Blanche…[/access]

Juillet/Août 2010 · N° 25 26

Article extrait du Magazine Causeur



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