Cela fait longtemps que j’ai envie de dresser une petite nomenclature personnelle de quelques tics de langage chics, de ces expressions qui font de l’effet mais ne signifient rien, de ces formulations pompeuses et ridicules et, pour résumer, de ces moments où l’intelligence, la parole et l’écriture tournent à vide.
Qu’on ne croie pas une seconde que, les dénonçant, je m’en juge exempt. Au contraire. C’est parce que je les crains chez moi que je prends la précaution de m’en moquer.
Il y a, évidemment, tous les « jubilatoire » qui, en matière culturelle, surtout pour le cinéma, parfument mécaniquement beaucoup de critiques sans éclairer véritablement.
Les « incontournable » qui s’installent bêtement dans des phrases qui mériteraient mieux.
Les « quelque part » dont on abuse et qui manifestent qu’on remplace une pensée précise qu’on ne trouve pas par une approximation qui laisse dans le flou.
Les « je me suis mis en danger » d’acteurs qui pourtant n’évoquent pas des scènes à la James Bond mais tout simplement l’exercice normal de leur métier.
L’habituel hommage après chaque nouveau roman : « C’est le meilleur qu’il a écrit », de sorte qu’on n’a qu’à attendre le suivant pour avoir droit à la même hyperbole.
Les ineptes « je ne juge pas » ou « il ne faut pas juger » au moment même où l’autre est évalué et où surtout la vie elle-même, la proximité qu’elle induit, les comparaisons qu’elle suscite, les hiérarchies qu’elle fait naître imposent sans cesse, implicitement ou clairement, les jugements inévitables de la quotidienneté.
Je pourrais continuer ainsi longtemps. Chacun a sa grille négative, chacun pourra utilement compléter la mienne.
Mais c’est déjà ça.
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