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De la virilité au virilisme

Ce que dit le retour massif dans les salles de sport des hommes


De la virilité au virilisme
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Enthousiasmé par les images du biceps présidentiel sur lequel court comme un serpent gonflé une veine céphalique digne des meilleurs jours de Sylvester Stallone, notre chroniqueur, lui-même grand consommateur de salles de musculation et d’exercices quotidiens au sac de sable, s’est lancé dans un rappel historique des figures emblématiques de l’Homme — avant-hier l’Hercule Farnèse, hier encore Arnold Schwarzenegger, et désormais Emmanuel Macron.


Longtemps l’homme a été simplement viril : c’était une sorte de pléonasme, puisque vir, en latin, c’est justement l’homme par rapport à la femme — et non homo, comme le croient les enthousiastes d’Olympes de Gouges, les féministes ignorantes et les LGBT.

Puis, les mœurs s’adoucissant, l’égalité des droits engendrant un homme nouveau à musculature faible, l’homme viril est devenu un gros macho, dérivation du latin masculus. Le machisme a remplacé la virilité, source de tant d’aberrations, nous a-t-on expliqué.

Brighelli, the Rock

L’intérêt de cette substitution, c’est qu’on pouvait être machiste tout en étant musclé comme un vélo de course. À la suprématie naturelle du muscle succédait la prétention cérébrale du mâle accroché à son service trois-pièces et à sa carte Gold ou Platinum. Le modèle masculin était soit un fifrelin, soit un gros tas — rappelez-vous cette pub Brandt des années 1970…


Arrive désormais le virilisme — qui comme tous les mots affublés de ce vilain suffixe dépréciateur, désigne le retour prétentieux de la belle brute blonde ou du minet surgonflé. D’ailleurs, la salle de musculation où je traîne chaque matin le corps admirable que m’ont légué mes parents (117 rue Sainte, 13007, venez m’y retrouver sur le coup de 8 heures, nous prendrons un café ensemble) est de plus en plus peuplée de jeunes gens qui s’y font des muscles époustouflants…

Bien sûr, l’apparition du virilisme ne signifie pas un retour en grâce de la virilité. Il marque juste une réaction aux excès de dévirilisation de ces trente dernières années. Le modèle était autrefois Humphrey Bogart ou Robert Mitchum, il est passé chez Stallone et autres stars bodybuildées, il s’exprime désormais chez des mâles cabossés, hier Bruce Willis ou Gerard Butler, aujourd’hui Dwayne « The Rock » Johnson. La vogue des super-héros ne dit pas autre chose.

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Et, désormais, Macron. Par la grâce de quelques clichés dus à la photographe officielle de Not’ Président, Soazig de la Moissonnière, nous savons à présent que le nouveau standard de la virilité réside au 55 rue du Fg Saint-Honoré, Paris 75008.
Bien sûr, cette mise en scène est à usage politique, tout comme les annonces guerrières d’il y a quinze jours. Virilisme et bellicisme se rejoignent dans leurs objectifs : non pas défier Poutine (judoka 8ème dan, mieux que Teddy Riner, qui n’en est qu’au 5ème) sur le terrain de la force, dont le président russe a usé et abusé — dans le pays de l’Ours, on révère les gros costauds —, mais se poser face à un RN qui gagnera les prochaines élections, provoquera la colère de tous les francs démocrates qui, comme leur nom l’indique, ne tolèrent pas un verdict des urnes, dégénèrera en émeutes… Et qui se dressera alors, dans sa stature de guerrier protecteur du peuple, pour revendiquer une troisième présidence ?

Corps de guerriers

À noter que ce n’est pas n’importe quel pan de la société qui exalte désormais le virilisme. Les jeunes des quartiers déshérités s’intéressent puissamment à la MMA, qui n’est pas exactement un sport de fillettes, et élèvent des autels à Cyril Gane. Ils se passionnent pour le body-building (ils savent, eux, qui sont Morgan Aste, Lionel Beyeke, Serge « The Black Panther » Nubret, Joël Stubbs ou Mohamed Makkawy). Et nombre de garçons empâtés au McDo s’inscrivent dans les salles de musculation.
C’est même, à en croire un document officiel envoyé à tous les enseignants du rectorat d’Aix-Marseille, et probablement aux autres, l’un des signes auxquels on repère l’éventuelle radicalisation. L’un des « cas » analysé dans ces documents commence ainsi :
« Le jeune X est élève en classe de 3e. D’ordinaire ponctuel et assidu, il commence à avoir des absences de plus en plus régulières. Ses amis avec qui il a de moins en moins de contacts l’aperçoivent avec des « grands » qui viennent le chercher à la fin des cours.
Depuis quelque temps, il s’est affûté et il passe du temps à faire des exercices physiques. »

Le jihad commence par un combat face à soi-même pour se forger un corps de guerrier. À noter que d’autres jeunes, à idéologie inverse, s’inscrivent, eux, à des stages de krav-maga. Nous sommes sur une mauvaise pente où chacun se prépare à une guerre civile — et plus si affinités.

Le virilisme est l’expression de cette hyper-virilité. Chez Macron, cela relève de l’obsession narcissique, utilisée comme marqueur d’une force supposée. Chez d’autres, c’est le début d’une formation spartiate à la guerre. Dans tous les cas, c’est le marqueur d’un renversement de perspective : l’homme féminisé, le doux écolo, l’amateur de médecines douces et de nouvelles mobilités, a peut-être vécu : sur sa gauche comme sur sa droite, le guerrier renaît.




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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