La plupart des sociétés de haute technologie américaines étaient la vitrine du progressisme. Ces géants du numérique ne rallient pas Donald Trump par idéologie mais parce qu’ils partagent son inquiétude face à la concurrence chinoise et son souci de procurer à l’Amérique de l’énergie et des matières premières bon marché
À une ou deux exceptions près, ils ont tous fait le déplacement. Le 20 janvier dernier à Washington, les patrons des plus importantes sociétés technologiques américaines, Elon Musk (Tesla et SpaceX), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook), Sundar Pichai (Google), Tim Cook (Apple) et Sam Altman (OpenAI) étaient assis côte à côte sous la rotonde du Capitole. Tels des grands seigneurs féodaux réunis pour le couronnement de leur roi, ils ont assisté, tout sourire (sauf Cook), à la prestation de serment de Donald Trump. Aux yeux du grand public et des médias, le message était clair : celui de leur adoubement.
Le plus intéressant dans cette histoire, c’est que personne n’avait fait attention à leur présence quatre ans auparavant lors de l’investiture de Joe Biden. Seulement, cette fois-ci, en 2025, la surprise est immense. Qui aurait parié, il y a encore quelques mois, que le gratin de la tech se presserait pour applaudir Trump ? Qui avait prévu que les grands noms du numérique, jadis perçus non seulement comme des moteurs économiques pour leur pays, mais aussi comme des piliers du progressisme et de l’innovation sociale aux États-Unis, opéreraient un spectaculaire virage conservateur et rallieraient la « Right Tech », le club informel des entrepreneurs technologiques de droite ?
La Silicon Valey, bastion progressiste
Historiquement, la plupart des sociétés de haute technologie (« High Tech ») américaines sont ancrées dans des valeurs de gauche sociétale, telles que la diversité, l’ouverture sur le monde et la démocratisation de l’information. Seulement, en devenant des colosses économiques et logistiques, avec des millions d’employés et des capitalisations boursières qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, elles se sont petit à petit éloignées de l’esprit des pionniers pour glisser vers des positions toujours plus compatibles avec le trumpisme.
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Pour comprendre cette évolution, il faut revenir là où tout a commencé : dans la Silicon Valley, au sud de la baie de San Francisco, en Californie. À partir des années 1950, cette région devient le principal centre de recherche et de production de semi-conducteurs de la planète, notamment grâce à des entreprises d’avant-garde
