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Cinquante ans après De Gaulle, meurt le Québec libre


Cinquante ans après De Gaulle, meurt le Québec libre
Justin Trudeau, 2017. Sipa. Numéro de reportage : AP22070025_000001 .

 

« Le soleil s’est couché, la nuit pourtant n’est pas tombée.

C’est l’heure suspendue… L’heure où l’homme se retrouve

enfin en harmonie avec le monde et la lumière…

La nuit n’a pas encore trouvé son étoile»

Jacques Guerlain

La nuit boréale n’a encore trouvé ni son étoile, ni son aurore, néanmoins le Québec fut illuminé brièvement en 1967 lors du passage d’une étoile filante particulièrement brillante, celle du général de Gaulle. Depuis qu’elle a maculé le ciel québécois selon l’expression de Jacques Guerlain, le Québec vit à l’heure suspendue. Notre soleil national s’est couché, mais la nuit pourtant n’est pas encore tombée…

De Gaulle contre l’impérialisme culturel

C’est avec une ombre de perfidie qu’un détracteur de notre cause nationale a titré un article d’un grand quotidien québécois « De quoi je me mêle, mon général? » et c’est avec exaspération que je lui répondrai : « mon général se mêle de ce qui le regarde, c’est-à-dire de l’émancipation de la francophonie mondiale. » Lors de son discours au château Frontenac le 23 juillet 1967, De Gaulle déclarait : « Il est de notre devoir d’agir ensemble de telle sorte que ce que nous faisons de part et d’autre de l’Atlantique soit, en somme, une œuvre française. » De quoi se mêlait le général ? De rien de plus que de nous protéger de notre assimilation à l’hégémonique bouillie anglo-saxonne.

L’incroyable perspicacité gaullienne

Triste peuple que celui qui, aujourd’hui, peine à prendre acte de ce simple fait. Bien plus triste encore est le sire qui, du haut de son estrade médiatique, écrit dans cette langue si chère au général que l’élan qu’il souhaitait nous donner n’était rien d’autre qu’un regrettable cas d’ingérence dans les affaires intérieures de la fédération. Faut-il manquer de hauteur pour ainsi ne rien voir de l’incroyable perspicacité de l’homme d’État, qui avait senti venir une décennie d’avance le goût, partagé par la vaste majorité des québécois de souche française faut-il le rappeler, de s’affranchir politiquement de la création britannique qu’est le Canada? Quelle poutre doit-on avoir dans l’oeil pour ne pas voir qu’aujourd’hui cette même fédération nous met lentement mais sûrement en danger de dépossession culturelle?

Toute négociation avec Ottawa s’avère stérile

Le message amené de France par le général sur le pont du Colbert en était donc un d’amitié, mais aussi de complicité politique. Quel mal y avait-il à cela, d’autant plus que Daniel Johnson, Premier ministre du Québec d’alors, avait voulu cette visite et avait souhaité, dans la foulée de son livre Égalité ou indépendance, que De Gaulle enflamme le peuple et lui donne le levier politique nécessaire pour négocier comme il se doit les conditions d’un nouveau pacte fédéral avec Ottawa qui soit plus avantageux pour le Québec? Johnson et De Gaulle avaient compris, à l’instar des politiciens et des citoyens d’aujourd’hui, que sans cette perspective de la sécession du Québec, toute négociation avec Ottawa s’avère d’avance stérile.

« Quand je lis Le Monde, je rigole! »

La mission du général au Québec faisait donc deux gagnants. Le premier, De Gaulle, qui pouvait réaffirmer haut et fort, et dans un contexte extraordinairement effervescent, sa vision de la souveraineté et de l’importance pour les peuples de disposer d’eux-mêmes. Le second, Johnson, qui, par la bande, allait voir se lever une vague politique qui, éventuellement espérait-il, allait lui permettre de négocier une amélioration substantielle de l’autonomie du Québec au sein du Canada. Cela s’appelle non pas de l’ingérence, mais de la très fine diplomatie. « Quand je lis Le Monde, je rigole! », disait de Gaulle. Aujourd’hui, il va sans dire que c’est à la lecture de l’éminent analyste politique du Journal de Québec Jonathan Trudeau qu’il aurait rigolé.

« Québec, le chef vous demande! »

À l’époque de son passage, le Québec avait soif de De Gaulle et était plus prêt que jamais à le recevoir, et maintenant je suis certaine que de là-haut, avec sa stature de chef, il nous enverrait un aide de camp qui nous ordonnerait à nous, Québécois, de venir à sa rencontre : « Québec, le chef vous demande! »

Pour ce cinquantième anniversaire des retrouvailles de la France et du Québec après plus de deux cents ans d’abandon, oublions les homélies, et rappelons-nous la stature de l’homme en place! Rappelons-nous la grandeur de celui qui hissait les événements et les Hommes au-dessus de lui. L’heure est bleue, la nuit n’est pas encore tombée. Ne la laissons pas survenir, et gardons vivant l’espoir que se lève notre étoile.

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Jenny Langevin est étudiante et chroniqueuse culturelle et sociopolitique. Elle contribue à divers médias québécois, dont L'Action Nationale, la revue Argument, La Presse et le Huffington Post Québec. Elle s'intéresse particulièrement aux rapports entre l'évolution de la littérature et de la culture populaire en lien avec les enjeux sociaux contemporains.

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