Héritier direct au trône du Paon selon la loi de succession impériale, le prince Davoud est membre de la maison des Pahlavi. Enfant, il a vécu les grandes heures de la monarchie iranienne avant d’être contraint de s’exiler avec sa famille en France après la révolution de 1979. À 51 ans, il est un opposant actif au régime des mollahs. Il a été reçu en novembre 2022 au Palais du Luxembourg aux côtés de l’impératrice Farah Pahlavi et de la princesse Noor Pahlavi, fille du prince Reza Shah Pahlavi II, influent porte-parole de l’opposition iranienne.
Causeur. Le 16 septembre 2022, le décès tragique de Masha Amini a été la « goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Les Iraniens se sont soulevés contre le régime des mollahs. Frappés par une crise économique, ils réclament de plus en plus de libertés. La répression est violente, et pourtant, si le mouvement montre quelques signes de faiblesse, il demeure toujours aussi actif. Assiste-ton au début de la fin inéluctable du régime théocratique iranien ?
Davoud Pahlavi. Selon moi, on assiste à une vraie révolution qui va changer le cours de l’histoire. Les Iraniens sont épuisés par tant d’années de crise économique. Ils ont perdu tout espoir et n’ont plus rien à perdre. Cela fait quatre mois que les manifestants ne lâchent pas un bout de rue et il faut saluer leur courage, leur ténacité.
Quelles sont les réelles incidences de ces manifestations sur le régime iranien ?
Je pense que le régime ne s’attendait pas à une telle ampleur de manifestations. Il est évident que le régime craint désormais d’être renversé et cela explique pourquoi le pays a basculé dans un bain de sang. A chaque jour son lot de violence. Une répression ordonnée par un régime mafieux qui n’hésite pas assassiner, ses pères et ses mères, ses fils et filles, ses frères et ses sœurs…
Le rôle des femmes est indéniable dans le déclenchement de cette révolution. En Iran, elles sont des milliers à enlever le voile de leur tête en signe de défiance au régime en place. En France, on a assisté à des manifestations de soutien en faveur de la démocratisation de l’Iran. Mais un certain communautarisme prône le port du voile aux femmes. Comment analysez-vous cette contradiction ?
Je ne suis pas étonné. Les Français doivent savoir que l’Iran finance ce genre de communautarisme, la construction de mosquées qui ont des prédicateurs soumis à Téhéran ou certains mouvements politiques. Je pense que vous avez une idée du parti auquel je fais nettement allusion. Faire tomber le régime des mollahs, c’est déjà enrayer ce communautarisme présent en France.
En 2015, la communauté internationale a signé l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien avec Téhéran. Il a été salué comme une grande avancée avant que les Etats-Unis ne s’en retirent sous le mandat de Donald Trump et y reviennent en fanfare sous celui de Joe Biden. C’est quasiment devenu une arme de chantage pour les mollahs. Peut-on dire que l’Iran a manipulé les Occidentaux pour mieux se renforcer politiquement et militairement ?
On ne peut mieux dire. La République islamique est diplômée en doctorat du mensonge. Ils ont des diplomates de haut-niveau qui ont rapidement appris l’art de la manipulation et il ne faut surtout pas les sous-estimer. Je pense que Donald Trump a très bien fait de sortir de cet accord qui ne fait que profiter aux mollahs. Ceux-là mêmes qui n’hésitent pas à détourner l’aide financière qui est adressée aux Iraniens par la communauté internationale. C’est une vraie mafia institutionnalisée. Les sanctions contre les mollahs sont essentielles et doivent être renforcées.
Comment jugez-vous l’attitude de l’Europe par rapport aux événements actuels qui secouent l’Iran ?
Je la vois de manière très positive, et notamment de la part de la France qui, je le rappelle, conserve une position de leadership sur les questions liées au Moyen-Orient qu’elle connaît bien. Je suis plus critique à l’égard des actions de Joe Biden qui joue un double jeu selon moi. Ménager la chèvre et le chou n’est certainement pas ce qu’il faut faire avec les mollahs. Comprenez-moi bien, il n’est plus dans l’intérêt de personne de continuer à soutenir un tel régime. Nous devons restaurer la démocratie en Iran. Cela profitera à tous économiquement y compris aux Iraniens et aux autres pays. Le Hezbollah sera privé de tout soutien et cessera ses actions de déstabilisation au Liban. Il n’y aura plus de menaces contre l’Etat d’Israël. L’Iran a tissé une toile dont le seul but est d’exporter partout sa révolution. Même la Russie qui a toujours été un allié de l’Iran commence à revoir sa collaboration avec Téhéran. C’est un régime qui est acculé.
L’opposition regroupe divers mouvements politiques mais elle a du mal à se structurer ? Pourquoi ?
Cela fait six mois que les diverses oppositions se parlent, mais il y a également des ambitions personnelles, alors que nous devrions être unis pour les Iraniens. Les distributions de postes ne devraient pas être une priorité sur les agendas des différents partis. Nous devons libérer le pays avant tout et peu importe les différentes idéologies. Nous devons monter dans le train de l’Histoire, c’est impératif. Je ne peux qu’appeler chaque mouvement à montrer l’exemple, faire preuve d’unité et se rassembler derrière le prince Reza Pahlavi qui est un leader naturel et incontournable. Si on aime l’Iran, c’est le devoir national de tous.
L’opposition a-t-elle vraiment des contacts sur place capables de coordonner un mouvement hétéroclite et populaire qui réclame un leader pour le représenter internationalement ?
Oui, nous avons des contacts sur place mais vous comprendrez que je ne peux en dire plus pour des raisons de sécurité des personnes concernées.
Le prince Reza Pahlavi soutient les accords d’Abraham qui normalisent les relations entre Israël et les autres pays arabes. Est-ce important que Jérusalem apporte son soutien à la chute du régime théocratique ? N’y a-t-il pas un risque d’effet kiss-cool alors que l’Iran accuse par exemple les Pahlavi d’être financés par l’Arabie Saoudite ?
La famille impériale n’a jamais été financée par l’Arabie Saoudite. C’est un mensonge qui a été fabriqué par les mollahs. Nous aurons besoin de tous les pays pour reconstruire l’Iran après les mollahs. Israël a toujours été un pays ami du temps du défunt shah, et il me paraît naturel qu’il soit à nos côtés. Nous devons reprendre des relations diplomatiques avec Jérusalem. La chute des mollahs rapprochera les peuples, c’est une évidence pour moi tout comme le retour des Pahlavi en Iran est indispensable pour la stabilité de la région.
Le prince Reza Pahlavi promeut le renversement du régime par des voies pacifiques. On voit aujourd’hui que cela a ses limites et que les résultats escomptés ne sont pas là. Quelle est la stratégie prévue désormais ?
Je vais clarifier vos propos. Quand le prince Reza parle de mouvement pacifique, il sous-entend surtout qu’il ne souhaite pas d’intervention militaire depuis l’extérieur. De l’intérieur, rien n’est à exclure. C’est terrible à dire, mais l’Iran est déjà en guerre civile depuis que les mollahs ont décidé de réprimer durement la révolution. Vous n’imaginez pas les exactions que subissent mes compatriotes. Certains ont déjà pris les armes contre les partisans des mollahs comme les gardiens de la Révolution qui tuent à tour de bras.
Ali Khamenei est le guide suprême de la République islamique d’Iran depuis 1989, date à laquelle est décédé l’ayatollah Khomeiny, tombeur des Pahlavi. On le sait malade, dépressif, paranoïaque. On a eu vent de rivalités internes qui font craindre un remplacement à la tête du pouvoir. Le régime peut-il se durcir au détriment des Iraniens ?
Plus il est menacé, plus il se durcit. Mais cela veut dire aussi que le pouvoir se sent menacé. On constate que même au sein du gouvernement des voix semblent prêtes à lâcher Khamenei. Le tout est de savoir quand cela va-t-il arriver !?
On sait que la force du régime se trouve dans le corps des Gardiens de la révolution. L’opposition appelle l’armée à rejoindre les manifestants et Téhéran aurait d’ailleurs purgé ses régiments des éléments sensibles aux manifestations. Quel est l’état d’esprit de l’armée actuellement selon vous ? Peut-elle faire la différence ?
C’est un sujet sensible. Pour moi, avant tout, le peuple est une armée en soi. Les militaires attendent de voir comment la situation va évoluer et le bon moment pour intervenir aux côtés des manifestants. Je suis persuadé qu’ils rejoindront la révolution car ils restent proches du peuple. Ils ont tous un frère, un père, une sœur qui a été arrêté par le régime.
Les Etats-Unis ont été prompts à finir le job en Irak. Pourquoi ne sont-ils toujours pas intervenus en Iran ? C’était pourtant une promesse de campagne du président Trump.
Le prince Reza Pahlavi a raison. Je me répète mais il faut surtout éviter que le pays soit attaqué par une puissance étrangère. Nous ne pouvons pas reproduire l’erreur iraquienne qui reste un désastre que ce soit sur le plan politique ou culturel. Mais rien n’empêche ces pays d‘envoyer des conseillers militaires coordonner tout cela, ou d’armer les résistants iraniens pour qu’ils se battent contre le régime islamique.
On sait que les Pahlavi sont très populaires parmi la diaspora iranienne. On entend leur nom scandé par les manifestants en Iran. Quel est donc le poids réel de la maison impériale en Iran ?
Il est important. Les Iraniens restent très nostalgiques du règne du Shah qui a modernisé le pays. Souvenez-vous tout ce que l’impératrice Farah Diba a accompli pour les femmes, les artistes… Des chanteurs internationaux venaient se produire en Iran comme Charles Aznavour, un de mes chanteurs préférés. Le temps s’est brutalement arrêté avec l’avènement des mollahs. Le nom de Pahlavi en Iran est toujours resté synonyme de liberté.
Quel est selon vous le meilleur régime qui devrait être installé en Iran après les mollahs ? Une république laïque, une république parlementaire avec la Sharia, une monarchie constitutionnelle ?
Il y a ce que je pense et la réalité qui doit s’imposer. Naturellement, monarchiste et nationaliste, je préconise le retour d’une monarchie constitutionnelle pour l’Iran avec Reza Pahlavi à sa tête car c’est dans les veines de la culture iranienne. Mais avant de se poser cette question des institutions, mettons d’abord en place un gouvernement d’union nationale qui remettra de l’ordre dans le pays, qui s’attaquera à des sujets sociétaux comme les droits des femmes (fer de lance de la révolution), à la cause environnementale, qui réintroduira du capital dans le pays, et stoppera le chômage actuellement trop important notamment chez les jeunes. Il sera toujours temps, après, de poser la question aux Iraniens sur le type de régime qu’ils souhaitent une fois la stabilité revenue lors d’un référendum ou lors d’élections démocratiques.
Ne craignez-vous pas la talibanisation de l’Iran si le régime des mollahs tombe ? Un gouvernement de coalition nationale est-il réellement envisageable ?
Si on veut éviter ce schéma, il faut impérativement un gouvernement d’union nationale dès le départ et que je souhaite dirigé par le prince Reza Pahlavi, mon cousin. L’Iran ne sera pas l’Afghanistan pour la simple raison que les Iraniens ne souhaitent plus de fous d’Allah au pouvoir. Les partis politiques doivent cesser de s’attaquer les uns les autres, ils doivent agir pour le bien commun de nos compatriotes.
Quel rôle souhaitez-vous jouer dans le processus de transition démocratique ?
Je reste loyal à mon cousin Reza Pahlavi et s’il estime que je peux apporter ma pierre à l’édifice démocratique, je serai à 400% derrière la mission qu’il me confiera. Je suis ambitieux, mais pour mon pays et non pour mon intérêt personnel. Il n’est pas question que l’Iran revive ce qu’il a vécu en 1979 où chacun a tenté de titrer la couverture pour soi alors que le pays sombrait dans l’obscurantisme.
Imaginons un instant que la monarchie soit restaurée. Vous êtes techniquement l’héritier au trône du Paon selon la constitution impériale. Votre cousin n’a que des filles. Accepteriez-vous de céder votre place à la princesse Nour et soutenir son accession comme impératrice d’Iran ?
Du temps de Mohammed Reza Shah, la constitution imposait une succession exclusivement masculine. Les choses peuvent changer et je n’y suis pas opposé. La princesse Nour a toutes les qualités pour être une chef d’État et elle a été formée à bonne école par son père et sa grand-mère, l’impératrice Farah. Elle est très investie dans le combat pour le retour à la démocratie. Etant donné tout ce que les Iraniennes ont supporté durant 40 ans, ce serait légitime qu’elle devienne l’héritière officielle au trône. Elle sera une très belle reine et je soutiendrai cette idée. Elle a du talent.
Comment imaginer-vous l’Iran de demain ?
Une démocratie retrouvée ou chacun aura du cœur à l’ouvrage afin de redonner un avenir à notre pays et la place où il doit être. Un Iran qui doit être aussi neutre que la Suisse et un symbole de paix.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !