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La fièvre OVNI s’empare de l’Amérique

Le Capitole aux frontières du réel


La fièvre OVNI s’empare de l’Amérique
David Grusch, ancien officier du renseignement, a assuré mercredi devant des représentants du Congrès à Washington que les Américains sont en possession d'un ovni © Jack Gruber-USA TODAY/Sipa USA/SIPA

Lors d’une audition devant une commission du Congrès américain, sous serment, M. David Grusch, démissionnaire de l’Agence nationale de renseignement géospatiale ayant adopté le statut de «lanceur d’alerte», a maintenu que nos gouvernements nous cachaient bien des choses…


« I want to believe », disait souvent Fox Mulder dans la série X-Files qui a beaucoup fait pour susciter les passions ufologiques contemporaines. Et si nous n’étions pas seuls dans l’univers ? Telle est la question que se posent au moins une fois dans leur vie la plupart des êtres humains. Depuis quelques années, les études ufologiques ont sérieusement le vent en poupe, de nombreux « lanceurs d’alerte » ayant saisi l’occasion offerte par la nouvelle ère de la transparence numérique pour s’exprimer publiquement.

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À l’origine de ce regain d’intérêt, une association étonnante entre le rockeur de Blink-182 Tom DeLonge et l’ancien officier de la CIA Jim Semivan, qui ont fondé ensemble l’entreprise To The Stars. Passionné par le paranormal depuis l’enfance, le guitariste de la mythique formation punk de la Californie du Sud a rassemblé autour de lui une équipe motivée d’anciens agents des services secrets et d’ingénieurs de la NASA. Ils ont notamment aidé à la déclassification, en février 2020, de trois vidéos d’ovnis auparavant diffusées par le New York Times en 2017, l’une d’entre elles faisant figurer le désormais célèbre « Tic Tac ». Luis Elizondo, collaborateur de To The Stars et ancien responsable de l’AATIP (Advanced Aeropspace Threat Identification Program), avait démissionné de son poste au Pentagone et transmis les vidéos à la presse.


Un peu plus tard, une évaluation, mandatée par le gouvernement des États-Unis, a été publiée le 25 juin 2021 juste après que Barack Obama a déclaré « il y a des images et des enregistrements d’objets dans le ciel, dont nous ne savons pas exactement ce qu’ils sont ». Ce rapport a été établi par l’Unidentified Aerial Phenomena Task Force et consistait en 144 observations de phénomènes non identifiés entre 2004 et 2021. Parmi ces 144 phénomènes, 18 présentaient des objets aux « caractéristiques de vols inhabituelles » et « semblaient rester stationnaires dans des vents en altitude, se déplacer contre le vent, manœuvrer brusquement ou se déplacer à une vitesse considérable, sans moyen de propulsion discernable. » Plus étonnant, certains de ces objets ont émis de l’énergie radiofréquence détectée par des avions de l’US Air Force.

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S’agissait-il d’engins extraterrestres ou extradimensionnels ? Rien ne permet évidemment de l’affirmer aujourd’hui, mais l’hypothèse n’a pas été exclue par les officiels américains : « Nous n’avons aucune indication claire qu’il existe une explication non terrestre pour eux – mais nous irons là où les données nous mèneront ». No ET, no answers: Intel report is inconclusive about UFOs | AP News

2023 : l’année de l’emballement

Les enquêtes sur les OVNI ne sont pas nouvelles. En France, les travaux du GEIPAN sont bien connus, de nombreux pilotes civils et militaires fournissant chaque année des cas à étudier. Aux États-Unis, ces phénomènes sont analysés de très près depuis les années 1940, différents projets ayant été montés au fil du temps, les plus connus étant Grudge, Blue Book et le rapport Condon. Blue Book permit ainsi l’examen de 10 147 cas dont 9 501 furent expliqués. Sur les 3 201 cas retenus pour l’analyse statistique finale, les cas avérés mais toujours inexpliqués représentaient un total de 22% de l’ensemble. Un taux qui atteignait même 38% pour les rapports d’observateurs qualifiés ! Cette année, un document de l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI) a dressé le bilan des rapports d’ovnis rassemblés ces dernières années, présentant un nombre de signalements records. Ce sont ainsi 366 rapports d’ovnis qui ont été transmis au sein de l’armée depuis début 2021.

De quoi longtemps nourrir les fantasmes. Ceux du petit David Grusch, avant qu’il n’intègre les renseignements américains ? C’est fort possible. Colonel décoré durant la guerre d’Afghanistan, David Grusch a travaillé au sein de l’Agence nationale de renseignement géospatiale (NGA) pendant 14 ans, sous l’égide du ministère de la Défense américain. De 2019 à 2021, Grusch a officié au sein d’une équipe chargée d’enquêter sur les ovnis, avant d’être nommé coresponsable de l’Agence pour l’analyse des « phénomènes aériens non identifiés », comme les nomment officiellement les autorités américaines. Il a pu consulter des images captées par des pilotes de l’air américains, sur lesquelles seraient visibles des objets dotés de « caractéristiques inconnues », jusqu’en juillet 2022. En avril dernier, David Grusch a quitté le ministère de la Défense et lancé une procédure de « whistleblower ».

Cette procédure l’a obligé à transmettre à son ancien ministère de tutelle les documents classifiés qu’il entendait livrer au Congrès américain. Mercredi 26 juillet, il a, devant la représentation nationale états-unienne, confirmé les propos fracassants qu’il avait tenus à la télévision quelques semaines auparavant : « Dans le cadre de mes fonctions, j’ai appris qu’il existait un programme (…) visant à récupérer les restes d’un appareil non identifié et à l’analyser. Ce témoignage est fondé sur des informations qui m’ont été transmises par des individus dont les antécédents de légitimité et de services rendus à ce pays sont connus et beaucoup ont partagé avec moi des preuves convaincantes, sous forme de photographies, de documents officiels et de témoignages oraux couverts par le secret ».

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Lors de sa première interview télévisée, David Grusch avait même été beaucoup plus loin, rejoignant le vieux lore (« folklore ») OVNI avec des éléments que d’aucuns pourraient juger tout bonnement fantaisistes. Il a ainsi expliqué que des États détiendraient des artefacts extraterrestres et qu’un vaisseau se serait écrasé en Italie fasciste dans les années 30… Une conspiration digne d’un film de science-fiction qu’il n’a pour l’heure étayée d’aucune preuve matérielle, se contentant de rapporter des témoignages de seconde main. Il faut toutefois porter à son crédit le fait qu’il ait respecté la procédure légale, prouvant par là même sa bonne foi. Mais n’aurait-il pas pu être abusé par sa naïveté ou le folklore propre à l’armée de l’air américaine où les légendes urbaines sont jugées monnaie courante ?

Dans l’attente de preuves, restent les témoignages troublants des deux autres témoins appelés par le Congrès : David Fravor, ancien commandant de la marine, et Ryan Graves, ancien pilote. Ryan Graves n’a pas hésité à exhorter la représentation à « mettre de côté la stigmatisation et à aborder le problème de sécurité et de sûreté que ce sujet représente », faisant aussi part des « multiples rencontres » expérimentées par plusieurs pilotes lors de vols d’entraînements. « Si les ovnis sont des drones étrangers, c’est un problème urgent de sécurité nationale ; s’il s’agit d’autre chose, c’est un problème pour la science. Dans les deux cas, les objets non identifiés sont une préoccupation pour la sécurité des vols », a-t-il aussi déclaré.

Technologies secrètes, extraterrestres ou phénomènes extradimensionnels ?

Pour certains auteurs de parapsychologie, les OVNI sont les anges et les dieux de nos mythes. Pour d’autres, comme le célèbre Français Jacques Vallée, les OVNI sont un cas d’étude fascinant sur le plan anthropologique, non pas des extraterrestres, mais peut-être des voyageurs temporels ou des manifestations venues du monde suprasensible… 

D’autres, plus prosaïques, envisagent l’hypothèse de technologies militaires développées en secret.

Toujours est-il, qu’extraterrestres ou pas, les phénomènes aériens inexpliqués sont bien une réalité que le gouvernement américain prend suffisamment au sérieux pour communiquer régulièrement dessus. Et si les auteurs de science-fiction avaient finalement raison ?



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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