Gérald Darmanin a accepté l’invitation de la chaîne info, chose qu’avait toujours refusée son prédécesseur Éric Dupond-Moretti. Notre chroniqueur s’en réjouit.
Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des Sceaux depuis le 23 décembre 2024, est venu le 28 janvier à 9 heures sur le plateau de Pascal Praud (CNews). C’était un événement car Éric Dupond-Moretti mobilisé par sa dénonciation de l’extrême droite et de cette chaîne, reliées absurdement, n’avait jamais fait à CNews l’honneur de sa présence. Je suis persuadé que lors de son nouveau spectacle seul en scène, ses mêmes obsessions trouveront à s’exprimer. M. Darmanin qui n’était pas inspiré par ces détestations périphériques a, avec talent et conviction, exposé sa conception du rôle de garde des Sceaux, ses objectifs prioritaires et, en même temps, les limites de son pouvoir dans cette période de pénurie budgétaire et de confusion parlementaire.
Qui se ressemble s’assemble
On ne peut que se féliciter de la constitution de ce duo complémentaire, partageant les mêmes principes en matière de sécurité et de justice, qu’on doit au choix du Premier ministre qui a compris l’apport fondamental d’une telle complicité entre Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.
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On doit constater l’originalité de la méthode d’un ministre de la Justice qui, au lieu de considérer les problèmes de loin, n’hésite pas à les prendre en charge pour les résoudre, une fois qu’ils ont été identifiés. Pour certains, notamment pénitentiaires, c’est fait depuis longtemps. Gérald Darmanin applique l’immédiateté, la rapidité, l’urgence, comme hier place Beauvau, aux solutions qu’exigent au quotidien les maux mis en lumière depuis plus d’un mois.
Rien de ce qui doit être réformé ne lui demeure étranger et j’apprécie qu’aucune des tâches à mener ne lui apparaisse indigne de lui. Certes il y a une hiérarchisation des missions mais celle-ci est moins fondée sur la noblesse des objectifs que sur l’utilité des actions. Il y a là enfin l’apparition d’un pragmatisme intelligent et industrieux qui répudie le risque de ce rythme judiciaire voué à ralentir tout ce qu’il touche.
Submersion et sentiments
La volonté de Gérald Darmanin de n’être jamais détourné de l’essentiel – l’important étant pour lui ce sur quoi il a le pouvoir d’influer et l’énergie d’accomplir – est caractérisée également par son désir de laisser libre cours à l’expression syndicale.
Non pas qu’il ne soit pas choqué, comme tant de citoyens, par trop d’outrances scandaleuses, partiales et politisées et qu’il n’admette pas leur incidence dévastatrice sur la confiance du peuple dans sa justice mais parce qu’il a conscience pour l’instant de sa faiblesse opératoire pour mettre fin à ce dangereux dévoiement syndical inscrit forcément dans la durée.
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Sur le plan politique, M. Darmanin a validé l’emploi des termes « sentiment de submersion » proférés le 27 janvier par le Premier ministre, dans son remarquable entretien avec Darius Rochebin sur LCI. Ils étaient en effet parfaitement justifiés : la submersion n’est encore qu’une grave menace tandis que l’insécurité qui aurait été un « sentiment » pour Éric Dupond-Moretti n’était hélas que trop réelle !
Des interrogations multiples nous venaient sur le plateau mais le ministre avait évidemment d’autres charges.
Pour ma part j’aurais voulu le questionner prosaïquement sur le fait qu’au début de ma carrière de parquetier par exemple, on citait devant le tribunal correctionnel les porteurs d’une arme prohibée, couteau ou autres, mais qu’au fil du temps on n’a même plus poursuivi cette infraction. Comme si le nombre devait faire la loi !
J’aurais désiré connaître son point de vue sur notre conception trop sophistiquée de l’État de droit et sur le fait qu’il n’était conçu que pour garantir les droits des transgresseurs, avec une bureaucratie procédurale étouffante entravant les fonctionnaires de police comme les magistrats.
Mes frustrations comptent peu au regard de cette « première » d’un garde des Sceaux sur CNews. Il y a quelque chose de rassurant dans le succès de cette chaîne : à un certain moment, ceux qui la regardent et ceux qui ont la chance d’y et d’en être l’emportent sur ceux qui la dénigrent sans y venir et sans la regarder. Gérald Darmanin, lui, est venu. Et il a convaincu.