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Daniel Darc, de la dope au Christ

Le chanteur a été retrouvé mort chez lui il y a 6 ans


Daniel Darc, de la dope au Christ
Daniel Darc photographié en 2012 © BALTEL/SIPA Numéro de reportage: 00632813_000015

Pieces of my life est un documentaire réussi sur la vie du punk français leader de Taxi Girl. Les fans émus y retrouvent l’interprète de « Cherchez le garçon« .



Ce n’est pas facile pour moi de m’asseoir devant mon ordinateur pour m’exprimer au sujet de
Pieces of my life le documentaire de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve sur Daniel Darc sorti en salles le 24 juillet. 

Pas facile car Daniel Darc fit partie de ma vie, comme pour beaucoup de gens de ma génération biberonnés au punk et ses vestiges, et je ne voudrais pas trahir sa mémoire et, plus égoïstement, la jeune fille que j’étais.

Un docu hyperréaliste et travaillé

Daniel Darc fut la figure définitive du perdant magnifique en France et Pieces of my life gravite autour de ce soleil noir avec beaucoup d’émotion et de justesse. Le film est construit autour des images d’archives personnelles de Marc Dufaud. Ami de Daniel, il le filma pendant de longues années. Il y aussi des archives télévisuelles et la voix off de Dufaud en témoignage. C’est tout, et cela donne un film dans la veine du journalisme gonzo à la fois hyperréaliste et travaillé. Marc Dufaud m’a confié son admiration pour le cinéma expérimental de Kenneth Anger mais j’ai plutôt vu des références très françaises, d’Eustache pour les plans fixes et la déambulation en passant par le Garrel sulfureux de J’entends plus la guitare la drogue et sa relation avec Nico la chanteuse du Velvet Underground. 

Le film s’ouvre sur le visage de Daniel, certainement peu avant sa mort, le regard embrumé par une quelconque substance et la diction pâteuse. Très vite, il lâche le mot : sincérité.  « J’ai voulu toute ma vie être sincère et c’est fatigant. » Effectivement il éleva la sincérité au rang des beaux arts, et c’est le genre de type à qui on pardonne tout. Sur Taxi Girl le groupe culte des années 80 au succès tragique et foudroyant : « Je ne voulais pas faire de musique, mais j’étais punk et j’avais les cheveux courts, alors ils m’ont pris. » Sur la fois où il s’est tailladé les veines sur scène : « Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, je trouvais ça marrant, j’avais toujours un cutter sur moi parce que j’aimais bien me bastonner, alors je l’ai fait. » 

Enfant terrible et moitié juif

Le sale môme des rues parisiennes prend le pas sur le poseur rock’n’roll. La pose, DD connaissait et l’admettait volontiers. Il fut ainsi un cliché ultime, avec la foultitude de références littéraro-rock qui vont avec : Rimbaud, Lou Reed, Burroughs, Dylan… Daniel fut un peu tout ça, mais il fut surtout Daniel Rozoum dit Daniel Darc, issu d’une union entre un Juif et une femme qui fut amoureuse d’un officier de la Wehrmacht, un proscrit et une réprouvée. 

Il n’évoqua publiquement ses racines juives que relativement tard dans sa carrière, ainsi que sa grand-mère raflée au Vél d’Hiv. Peut-être y retourna-t-il lors de sa conversion au protestantisme, mais on devinait son attachement, notamment lors de sa belle reprise de “Juif et Dieu” de Gainsbourg, sur laquelle il déclare « C’est une grande vérité Juif est Dieu. »

DD comme Dope et Dieu, les deux grandes affaires de sa vie. Après sa conversion, la dope, il ne l’a jamais oubliée, un grand classique chez les junkies, il la remplaça par le Christ. Et il mêle Lou Reed qui dans Heroïn chantait « I feel like Jesus son », au Psaume 23 « I gonna stop wasting my time » et ça marche.  

Un hommage parfait

J’ai toujours eu le sentiment que le rock’n’roll avec ses rituels et son mode de vie, était comme un ultime avatar du christianisme, et la drogue où le rituel est primordial en fait partie. Il y a dans le film un plan fixe où l’on voit DD se shooter, et bizarrement on ne ressent aucun malaise, mais plutôt comme un apaisement où le visage d’ange « déçu » de DD évoquerait presque une image pieuse…

Du cliché – Flaubert le savait – jaillit toujours la Vérité. Daniel Rozoum/Darc est ce mélange de clichés qui lui collaient à la peau et de lui-même : ce petit parisien à moitié juif qui mettait les doigts dans la prise quand il était enfant pour se sentir exister plus intensément. DD exista douloureusement et légèrement et Pieces of my life, à la caméra à la fois légère et insistante, lui rend parfaitement hommage.



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est enseignante.

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