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Danemark, les secrets d’une identité heureuse


Danemark, les secrets d’une identité heureuse
Supportrice danoise aux Jeux olympiques de Rio, août 2016. SIPA. REX40445448_000011
Supportrice danoise aux Jeux olympiques de Rio, août 2016. SIPA. REX40445448_000011

Jeudi dernier, le JT de France 2 a diffusé un sujet fascinant signé Alexia Mayer sur le Danemark. Le présentateur de service, Julian Bugier, lance le reportage : « le Danemark, une économie florissante, un taux de chômage faible, des impôts élevés et un pays où on se dit les plus heureux au monde. Quelle est la clé de cette réussite ? Tout repose sur la notion de confiance, de l’école à l’entreprise. »

Alexia Mayer, rendue sur place, enquête et explique. Et on en apprend de belles ! Ainsi, j’ai découvert que les descendantes de Vikings croient que la santé de leurs bébés sera renforcée par des siestes dans le froid. Quand elles prennent une boisson chaude dans un café, elles laissent leurs bambins à l’extérieur, dans la poussette, exposés aux rigueurs de l’automne scandinave…  Mais cette pratique étrange – qui à elle seule peut en dire long sur cette société et ses performances – n’est pas le sujet. Le point à souligner est que les mamans laissent leurs poussettes et leurs cargaisons humaines sans surveillance. A Copenhague, ville d’un peu moins de 600 000 habitants, ça ne craint rien et les mamans ne sont obsédés ni par des pédophiles ni par des voleurs. C’est que, comme l’avait annoncé Julian Bugier, la confiance règne.


Danemark : le royaume de la confiance

Pour en savoir plus, Alexia Mayer interroge Morten Frederiksen, professeur associé au département de sociologie et travail social à l’université d’Aalborg, spécialiste de la question de la confiance. Pour lui, la confiance repose sur l’homogénéité de la société. Oui, vous avez bien lu – et moi bien entendu. Le secret du Danemark est que les Danois sont tous pareils. Selon le professeur Frederiksen « le pays est homogène à plusieurs titres, le pays est culturellement homogène, les inégalités salariales sont réduites aussi. Les gens pensent se comprendre, se connaitre profondément, connaitre les envies et les intentions les uns des autres. » Le Danemark, résume Alexia Mayer, est une tribu unie et égalitaire.

Un pays « culturellement homogène »

Malheureusement le reportage passionnant et important d’Alexia Mayer a été classé d’avance par la rédaction de l’actualité de France 2 dans la même rubrique que les sujets « bébé panda né au zoo d’Amsterdam » et « topinambour, les coulisses d’un légume oublié ».  C’est vraiment dommage car, en creux, Alexia Mayer nous dit que le secret du Danemark, c’est qu’il n’est pas multiculturel, ou comme le dit le sociologue « qu’il est culturellement homogène ». Autrement dit, qu’il n’y a pas ou peu d’immigration et/ou que l’assimilation – et non pas l’intégration – y marche très bien.  Le Danemark n’est donc pas « riche de ses différences » mais tout le contraire, riche et heureux grâce à l’absence ou à la très grande faiblesse des différences en son sein.

Il y a, ensuite, la question des écarts des revenus. Effectivement, selon les chiffres de 2015, le Danemark est le pays de l’OCDE avec l’écart des revenus le plus faible, les 10% les plus riches gagnent seulement 5,2 fois plus que les 10% les moins riches. En France, l’écart est de 7,4 (en Allemagne 6,6 et aux Etats-Unis 18,8). Est-ce cet écart entre la France et le Danemark suffit pour expliquer les différences de performances entre les deux sociétés et les deux économies sans prendre en compte les différences anthropologiques entre une société homogène et une société multiethnique et multiculturelle ? La question est ouverte.

Il aurait été intéressant d’essayer de comprendre comment les deux homogénéités (culturelle et économique) sont liées, laquelle des deux est dominante dans la réussite du pays (et il ne s’agit pas de croissance mais du fait que les Danois se sentent heureux). Il aurait été bien évidemment légitime et nécessaire de poser la question de la pertinence de l’exemple danois pour la France mais tout cela a été balayé par la rédaction : en fin de JT on ne va pas se prendre la tête…

Ainsi, malgré le travail d’Alexia Mayer, l’information extrêmement importante qu’elle a rapportée de Copenhague a été traitée comme une anecdote sans conséquence car ceux qui déclaraient « vouloir découvrir la clé de la réussite danoise » cherchaient en fait autre chose : se rassurer et confirmer ce qu’ils savaient déjà avant que l’avion de Mme Mayer n’ait quitté la France. Jérémie l’avait déjà si bien dit : « Ils ont des yeux et ne voient point, ils ont des oreilles et n’entendent point ».



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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