La filiale de Daesh au Mozambique multiplie les exactions au nord du pays. Au-delà de la menace islamiste que les terroristes font peser sur les populations, les intérêts gaziers français et les intérêts de l’ancienne puissance colonisatrice portugaise sont menacés. Analyse
Il y a quelques semaines, le Directeur Général de la Sécurité Extérieure (DGSE), Bernard Emié, indiquait, que la situation au Nord-Est du Mozambique, dans la région de Cabo Delgado, où sévit, depuis octobre 2017, un groupe armé terroriste (GAT) d’inspiration djihadiste, était devenu un sujet de préoccupation grandissant pour la France. L’ONG américaine, Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) estime que plus de 2000 personnes sont mortes dans le cadre d’attaques incessantes menées dans cette région depuis 2017.
Depuis, de nombreuses spéculations sont apparues quant au rôle que Paris devrait y jouer, notamment eu égard au fait que c’est dans cette riche région gazière du Nord-Est du pays, plus précisément au large de ses côtes, que s’y déploient de nombreuses compagnies pétrolières, dont Total, qui entend également y développer ses deux mégas usines de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) d’Afungi, dans le district de Palma. D’un montant de 23 milliards de dollars, pour une production annuelle de 13,12 millions de tonnes de GNL, il s’agit, là, du plus important investissement étranger dans le pays.
Bien que le Mozambique, indépendant depuis seulement 1975, soit une ancienne colonie portugaise, la France n’est pas pour autant désintéressée. C’est en effet, dans le Canal du Mozambique que Paris entend rester ferme et déterminée à protéger la souveraineté de ses cinq Îles Éparses et de l’immense Zone Economique Exclusive (ZEE) et plateau continental attenant (640 000 km2) soit deux fois celui de la France hexagonale !
C’est, également dans cette prometteuse partie australe de l’océan Indien que la France possède de solides arguments militaires, grâce à ses deux départements de Mayotte et de la Réunion et les quelque 2000 forces de souveraineté qui s’y déploient par le truchement de ses Forces Armées de la Zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI), ses cinq navires (notamment ses deux frégates et deux patrouilleurs), ses deux avions de transport et deux hélicoptères.
Nul étonnement, dès lors, que le Président de la République, Emmanuel Macron, ait, à travers un récent tweet, rappelé à la suite d’un énième massacre de populations civiles que « le terrorisme islamiste est une menace internationale, qui appelle une réponse internationale ».
Développement de l’islamisme
Il y a, en effet urgence, comme ne cesse de le rappeler les courageux membres de la Communauté de Sant’Egidio, parmi lesquels le père Angelo Romano, qui précise que les terroristes du mouvement Ansar Al-Sunna – parfois appelé Al-Shabaab au Mozambique – sont des islamistes kenyans venus s’installer en Tanzanie en 2015 puis chassés en 2017 et ayant prêtés allégeance à l’État islamique, dès 2012.
Ceux-ci sévissent désormais, plus au sud, dans la région septentrionale du Mozambique. Ceux-ci sont désormais appelés l’État islamique de la « province d’Afrique centrale » (ISCAP) et entendent maintenant instaurer la Charia dans l’ensemble du pays.
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La nouvelle administration Biden vient de classer, du reste, l’ISCAP, Ansar Al-Sunna et le mouvement d’origine ougandaise des Forces Démocratiques Alliées (ADF) – parfois appelées Madina at Tauheed Wau Mujahedeen – agissant à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) dans le Nord-Kivu et l’Ituri, comme des organisations terroristes affiliées à Daesh. L’ISCAP, par la voix de son chef, Abu Yasir Hassan, avait, du reste, déclaré son allégeance à l’État islamique, en avril 2019. C’est en août de la même année, que l’EI reconnaissait cette affiliation.
Depuis, plus de 535 000 Mozambicains ont fui la région, selon un rapport de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) datant de décembre dernier, sous les attaques répétées des djihadistes originaires de Tanzanie et Kenya voisins, qui ont pu bénéficier, dans la province, du recrutement de nombreux jeunes désœuvrés et marginalisés. Bien que le produit national brut (PNB) par habitant soit le plus faible du continent africain, le Mozambique possède, pourtant, la troisième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, après celle du Nigeria et de l’Algérie. Le pays sera, avec la découverte de 160 trillions de pieds cubes, un des principaux producteurs de GNL, d’ici une vingtaine d’années.
Extension des problèmes militaires
Pourtant, malgré une mobilisation sans faille du Pape, qui s’est rendu, au Mozambique, en septembre 2019, l’appel à l’aide du président Felipe Nyusi, n’a pourtant guère été entendu.
Réélu, dès le premier tour, en octobre 2019, le président mozambicain a encore renouvelé son incantation en faveur d’une plus forte coopération sécuritaire, à l’aune de la présidence semestrielle de l’UE, assumée, depuis le 1er janvier, par son ancienne puissance colonisatrice, le Portugal.
Pour l’heure, ni le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, ni le Premier ministre, Antonio Costa, qui ont pourtant, proposé l’aide sécuritaire du Portugal, ne semble pouvoir répondre positivement à cette mobilisation en direction d’une coalition internationale contre le terrorisme qui s’enkyste, ici, comme précédemment, au Sahel, ou dans la Corne de l’Afrique.
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La dernière réunion des ministres de la Défense des 30 membres de l’OTAN, les 17 et 18 février, a également permis à la ministre de la Défense française, Florence Parly et à son homologue portugais, Joao Gomes Gravinho d’évoquer quelques pistes d’actions communes pour tenter d’éviter une « sahélisation » de l’ISCAP. L’une de ces pistes consisterait, en effet, à mutualiser les efforts en matière de lutte anti-terroriste.
Les Portugais étant très actifs au Sahel, aux côtés des éléments français et autres partenaires européens (au sein de la montée en puissance de la Task Force Takuba, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali – MINUSMA), de l’European Union Training Mission – EUTM-Mali), il ne serait pas illogique que Lisbonne trouve légitime que la France puisse accompagner, en retour, l’agenda de stabilisation que le Portugal pourrait être amené à mener au Mozambique, colonie portugaise de 1498 à 1975.
Les similitudes peuvent paraître spécieuses entre les deux théâtres d’action des mouvements djihadistes qui s’y déploient. Pourtant, l’absence paradoxale d’état dans une région potentiellement…
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