Nous avions décollent. Et pourtant ça ne colle pas. Les gros titres des journaux l’affirment, les radios et les télévisions les amplifient : nous sommes en guerre ! Le chef de nos armées (car il paraît que nous avons un chef et que nous avons des armées) en a décidé ainsi. Des avions français ont survolé la Syrie et repéré des positions de Daech pour, dans un deuxième temps, les bombarder. Frissons et cocoricos garantis.
Et c’est ça qu’on appelle la guerre ? Et c’est ça qui mérite qu’on en fasse des tonnes ? À la guerre, quand on la fait vraiment, on meurt et on accepte de mourir pour tuer le plus d’ennemis possible. Rien de tel dans ce qui a été annoncé par François Hollande. Un ou deux avions ont survolé la Syrie. Puis un ou deux avions largueront une bombe sur des campements préalablement désertés par les hommes de Daech. Rien de plus.
Une guéguerre qui ressemble à une comptine pour enfant : « Papillon vole, oiseau vole, avion vole… » Tant de bruit pour ça ? Qu’on en fasse grand cas témoigne de ce que la France est devenue. Un pays moyen (au sens médiocre de ce mot) prêt à d’éventuels conflits à condition que soit garanti le « zéro mort » auquel nous tenons tant.
Il n’est pas question de mourir pour Kobané, pour les Kurdes, pour les chrétiens, pour les yézidis. Seul un affreux va-t-en guerre pourrait le souhaiter. Mais alors que ceux qui nous dirigent et qui nous informent fassent preuve d’un peu de pudeur et de décence. Rouler des mécaniques, en l’absence de toute notion sincère de sacrifice, est au mieux une forfanterie, au pire une imposture.
Ça fait longtemps que la France n’a plus aucune envie de se battre et ne sait pas pour quoi se battre. Depuis trois générations, nous avons perdu toutes les guerres que nous avons menées ou qu’on nous a infligées. Une défaite honteuse, en 1940 : une honte que n’a pas effacée l’héroïsme de quelques uns en France occupée et à Londres. Une autre défaite, plus tard : celle de la guerre d’Indochine en dépit du courage des défenseurs de Dien Bien Phu. Puis le lamentable fiasco de l’expédition de Suez, quand il nous a fallu embarquer sous la pression conjointe des Russes et des Américains. Et enfin, en 1962, notre départ d’Algérie : ce n’était pas non plus une victoire.
Dans l’inconscient collectif, une telle accumulation d’échecs laisse des traces. François Hollande en est conscient et sur ce point on ne lui cherchera pas querelle. Mais pourquoi ces proclamations martiales émanant de l’Elysée ? Pourquoi chuchote-t-on à l’oreille des journalistes : « Vous allez voir ce que vous allez voir » ? Il n’y a rien à voir : un Rafale dans le ciel syrien, trois p’tites bombes et puis s’en va… Les tueurs de Daech aiment autant la mort que nous aimons la vie. Ils se marrent.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !