Pour sûr, il ne dépareillerait pas en prédicateur évangéliste. Barack Obama a la tête de l’emploi. Il a, d’ailleurs, la tête de tous les emplois. C’est ce qu’il a montré dimanche encore, en s’adressant à Chicago, aux ouailles de l’Apostolic Church of God, à l’occasion de la Fête des Pères.
Ouvrant son discours par une citation du Sermon sur la Montagne, il a célébré à sa manière les vertus familiales dans un propos que ne renierait pas un républicain texan : « Oui, nous avons besoin de plus de flics dans les rues. Oui, nous avons besoin de moins d’armes entre les mains de gens qui ne devraient pas en avoir… Mais nous avons besoin aussi des familles pour élever nos enfants. Nous avons besoin de pères qui prennent conscience que leur responsabilité ne s’arrête pas à la conception. Nous avons besoin qu’ils prennent conscience que ce qui fait un homme n’est pas la capacité d’avoir un gosse, mais le courage de l’éduquer. »
Selon les statistiques avancées par Barack Obama, l’enfant d’une famille monoparentale court cinq fois plus de risques de finir dans la délinquance qu’un enfant élevé par ses deux parents. Obama le dit lui-même sur le ton de la confession publique : il est bien placé pour savoir quelle est l’importance d’un père (à l’âge de deux ans, il a vu le sien quitter sa famille)…
Devant les évangélistes, le portrait qu’il dresse de l’Amérique contemporaine n’est pas rose : « Combien de fois dans les dernières années cette ville a vu des enfants tués par les mains d’autres enfants ? Combien de fois nos cœurs se sont-ils arrêtés de battre en plein milieu de la nuit à cause du bruit d’un coup de feu ou de celui d’une sirène ? Combien d’adolescents avons-nous vu zoner au coin de la rue alors qu’ils auraient dû être en classe ? Combien d’entre eux sont en prison quand ils devraient travailler ou chercher un boulot ? Combien sont-ils, ceux de cette génération qui vont finir dans la pauvreté, la violence ou la drogue ? Combien ? »
Invitant les familles et, plus particulièrement les pères de la communauté afro-américaine, à jouer à nouveau pleinement leur rôle social et éducatif, il va jusqu’à paraphraser ce que disait Kennedy lors de son discours d’investiture le 20 janvier 1961 : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » La sécurité et la lutte contre la délinquance ne sont plus, pour Barack Obama, le domaine réservé de l’Etat et des pouvoirs publics : ils relèvent de la responsabilité de tous.
Pourtant, à Chicago, Barak Obama n’accomplit aucune rupture. Il se contente de répéter l’un des poncifs les plus rebattus par tous les tribuns de la fierté noire : la black male responsability. Chemin faisant, il reprend également à son compte quelques idées bien senties des « mouvements de pères », comme celui de la Million Father March, un mouvement black né précisément dans la capitale de l’Illinois et militant pour la reconnaissance du rôle paternel dans l’éducation des enfants – imaginez un million d’Aldo Naouri, mais united colors of Benetton et en moins psy.
En déployant à ce moment précis de sa campagne les thèmes sécuritaires et en revalorisant les valeurs familiales, Obama ne droitise donc pas son discours : il ne fait que l’adapter à un auditoire particulièrement sensible au thème du « retour des pères », dans la ville où le taux de criminalité demeure le plus élevé des Etats-Unis.
Ce que l’on retiendra également du discours du candidat démocrate, c’est qu’il n’est pas un lecteur très attentif des éditoriaux du Monde. Il devrait. Ainsi saurait-il que quand un gosse tue un autre gosse comme cela s’est passé à Vitry-le-François, ce n’est pas la faute à l’éducation déficiente ni au cercle familial ni même celle d’un rapport défaillant à l’autorité : c’est la faute au gouvernement, à Mme Amara, à sa ministre de tutelle, Christine Boutin, au « comité interministériel qui devait se tenir le 16 juin » et, en dernier ressort à Nicolas Sarkozy[1. Le Monde, 17 juin 2008.]. Qu’il s’agisse de crimes de droit commun ou de « banlieues en rage », il ne faut jamais, au Monde, se demander ce que l’on peut faire pour son pays, mais ruminer sur ce qu’il ne fait pas pour nous.
Le Father’s Day Speech de Barack Obama
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