« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire. » Jusque-là, cette citation de Voltaire se contentait d’être très célèbre, vaguement subversive et totalement apocryphe. Elle risque bien de devenir, en Belgique, légèrement illégale.
En effet, une circulaire du Collège des procureurs généraux, du Ministère de la Justice et du Ministère de l’Intérieur, livrée ce mois de juin en Belgique dans l’indifférence générale, légifère là où il ne fallait pas.
Désormais, nous prévient-on, « une attention particulière sera accordée à la criminalité commise sur Internet et les réseaux sociaux ». « Criminalité » ? Diable, de quoi parle-t-on ? D’escroqueries à la carte bancaire, de proxénétisme, de pédocriminalité? Mais non, tout cela est déjà sous surveillance : le vrai danger, c’est « la cyber-haine ».
Comme nul n’est censé ignorer la loi, nos autorités ont eu la gentillesse d’expliciter le concept : « Le terme ‘cyber-haine’ couvre les déclarations haineuses (harcèlement, insultes, remarques discriminatoires) exprimées sur Internet contre des personnes en raison de leur couleur de peau, de leur prétendue race, de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leurs convictions philosophique ou religieuse, de leur handicap, de leur maladie ou de leur âge. »
Bref, ce serait formidable, si ce fourre-tout ne permettait pas de poursuivre et punir n’importe quelle opinion malconforme ou « antisociale », comme on disait dans le droit soviétique.
Avant que mes appréciations sceptiques tombent sous le coup de la loi, je tiens à dire que j’aurais aimé que nos gouvernants me donnent plus de précisions sur certains points. Par exemple, les « convictions philosophiques ou religieuses ».
Le cannibalisme est-il à classer dans ce panier ? La critique du meurtre rituel, du mariage forcé à 12 ans ou des sacrifices rituels deviendrait-elle un « crime » ? Auquel cas j’ai bien peur d’être un dangereux multirécidiviste. Mais je vous laisse, on sonne à ma porte…
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