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Culture et médias publics: il est temps d’en finir avec la propagande aux frais du contribuable

Le manque de pluralisme est la seule vraie exception culturelle française !


Culture et médias publics: il est temps d’en finir avec la propagande aux frais du contribuable
Rassemblement des salariés des médias publics contre le projet de loi de fusion, devant l'Assemblée nationale, Paris, 1er avril 2025 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Depuis Jack Lang, la confiscation de la culture par un clan politique (au mépris du pluralisme, de la liberté de création et de l’intérêt général) est un véritable scandale démocratique ! Alors que la société se fracture et que les opinions des citoyens français ont tendance à se polariser, il est urgent de faire respecter la neutralité.


Tous les gestes créatifs, du plus exigeant au plus populaire, ont contribué depuis des siècles à façonner notre culture, et donc la France elle-même. Les grandes œuvres de l’esprit, les chefs-d’œuvre du cinéma et de la musique, le patrimoine architectural, la langue, la mode, composent le ciment qui nous lie, depuis Rabelais jusqu’à Houellebecq en passant par François Truffaut ou Alain Bashung.

La grandeur d’un pays ne se mesure pas seulement à ses résultats économiques, mais aussi à la puissance de sa culture. Dans un domaine comme dans l’autre, les 50 nuances de social-étatisme qui dirigent la France depuis des décennies ont bridé et affaibli le pays. La soviétisation de la France, planifiée depuis Paris par une caste interchangeable, n’a pas épargné la culture. Rien n’échappe à la main de l’État démiurge, incapable sur l’insécurité ou l’immigration illégale, mais implacable pour « emmerder les Français » comme disait Pompidou, réduire nos libertés, régir nos vies dans le moindre détail, penser à notre place, et transformer la culture en outil de propagande. 

Nourrir une vision de gauche du monde

Depuis 1981 et le règne de Jack Lang rue de Valois, la culture publique est devenue une arme politique, et un monde en coupes réglées. Les 15 milliards € d’argent public dépensés chaque année (Etat plus collectivités) ne servent pas à rendre la culture accessible à tous, ni à élever les esprits, mais essentiellement à nourrir une vision progressiste du monde — inclusive, bien-pensante, loin du peuple, bref, de gauche —, et à rémunérer ceux qui jouent le jeu. « Une subvention contre une signature au bas d’un manifeste électoral », écrivait Michel Schneider dans son remarquable essai La comédie de la culture (1993), consacrée au Ministère et ses dérives.

En institutionnalisant la culture, en organisant sa bureaucratie, en professionnalisant les métiers, en nommant depuis la rue de Valois les directeurs des scènes nationales, des festivals, des musées, ou encore les responsables de l’audiovisuel public ou du cinéma, en récompensant les bons élèves à coups de subventions/récompenses, le camp du bien a posé les fondations solides d’un système à la botte de son idéologie. Depuis lors, jamais un ministre de la Culture, y compris de droite, n’a osé la moindre réforme, même modeste, visant à un soupçon de pluralisme. La gauche culturelle, prompte à hurler au fascisme dans les médias à la moindre incartade, fait peur. Dans ce microcosme militant, ivre de sa supériorité morale, l’entresoi est un art de vivre et la pensée unique règne en maître. Dans ce monde binaire biberonné aux subventions, de l’art contemporain au théâtre, du cinéma aux médias publics, l’univers est divisé en deux camps : d’un côté le « camp du bien » (eux), et de l’autre les Français qui pensent mal et qu’il s’agit de rééduquer (soit 90 % de la population, qui finance sans broncher cet entre-soi par l’impôt).

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Plus subtil et pervers que la censure directe, ce système conduit à l’autocensure des artistes. Discuter aujourd’hui « en off » avec des créateurs, fussent-ils dramaturges, scénaristes, chorégraphes, ou candidats à la direction d’une scène nationale, revient à entendre toujours le même discours résigné. Obtenir un poste ou une subvention contraint à se soumettre au dogme, à masquer ses opinions, et donc à s’autocensurer. Dans un monde régi par une idéologie politique allant de LFI à la gauche du PS, même les universalistes républicains de gauche vivent cachés…. Pas un projet sans moraline diversitaire n’est envisageable. Pas un dossier de subvention ou de candidature sans les mots et thèmes obligatoires de la culture institutionnelle : urgence climatique, vivre-ensemble, racisme systémique de la France, glorification des LGBTQI+, haine de la « laïcité islamophobe » (sic), haine du libéralisme, des riches, de la culture classique, des flics, et bien entendu du Blanc de plus de cinquante ans, à moins qu’il ne fût déconstruit et repentant.

Il faut fréquenter les festivals, visiter les FRAC, voir les expositions d’art contemporain, regarder attentivement ce que finance le CNC, ce qu’expose le Palais de Tokyo, ou le CV des artistes politisés logés à la Villa Médicis de Rome, etc…, pour mesurer l’ampleur de la mainmise de la gauche sur la culture institutionnelle. On constate une absence quasi totale de pluralisme. Idem sur les antennes de l’audiovisuel public, sous la tutelle du ministère de la Culture. A ce rythme, c’est le consentement à l’impôt de la majorité silencieuse, méprisée par la caste au pouvoir, qui sera bientôt en jeu.    

Renversement de paradigme

Imaginons un instant la situation inverse, pour mesurer la gravité de ce qui relève du détournement légal d’argent public à des fins politiques. Si un Jack Lang de droite avait fait exactement la même chose, si la culture publique était depuis des décennies entre les mains de petits marquis de droite, qui ne financeraient que des spectacles à la gloire de Jeanne d’Arc, la rénovation des églises, et censureraient toutes tentatives de spectacles jugés décadents, tout le monde serait à juste titre horrifié. Nous parlerions à raison de culture réactionnaire et de dérive totalitaire.

Dans tous les cas, la confiscation de la culture par un clan est un scandale démocratique, et un danger pour l’unité nationale. Paradoxalement, ceux qui participent à ce système se vivent en rempart vivant contre le totalitarisme. Ils oublient que l’élection de Trump aux Etats-Unis est moins une adhésion à son projet qu’une réaction épidermique de la majorité silencieuse contre les excès du progressisme woke, et le déni du réel glorifié par le show-biz et les médias mainstream. La gronde électorale des peuples en Europe et en France relève de la même mécanique infernale.

La cancel culture, tribunal de l’inquisition du wokisme, a placé le dernier clou du cercueil sur l’art et la création. L’art doit plus que jamais donner des leçons de gauche. « À quoi sert d’écrire si ce n’est pas pour dénoncer le racisme ? », écrit Édouard Louis, mètre étalon de l’époque. Plus rien ne doit offenser les minorités. Charles Bukowski ou Serge Gainsbourg pourraient-ils créer librement aujourd’hui ? Sans doute pas. Le tribunal de la bien-pensance veille au grain. Or on ne fait pas de l’art avec des bons sentiments. Les artistes ne sont pas des ONG. Pas de culture forte et puissante sans liberté d’expression, sans liberté de ton. Pas d’art dérangeant et révolutionnaire possible quand les corbeaux de la cancel culture reposent sur les épaules des créateurs, surveillant leur moindre écart. Martelons-le : pire encore que la censure, l’autocensure est la plus insupportable des contraintes qui pèsent sur les artistes. Combien de chefs-d’œuvre et d’idées formidables ont été tués dans l’œuf, ou affadis par leur créateur, par crainte des conséquences sociales et financières ?

Peu de politiques ont le courage d’oser s’attaquer publiquement aux Tables de la Loi gravées par Jack Lang. Mais les choses changent tant le camp du bien autoproclamé s’effondre dans les urnes, et tant sont antidémocratiques les dérives observées. David Lisnard signait récemmment dans Le Figaro une tribune contre le financement par l’argent du contribuable de spectacles hostiles aux valeurs républicaines[1]. Christelle Morançais, présidente du Conseil Régional des pays de la Loire, vient d’annoncer la fin de l’essentiel des subventions régionales automatiques à la culture, évoquant « le monopole intouchable d’associations très politisées, qui vivent d’argent public ». On peut critiquer cette décision radicale, mais la politisation de ces associations est un secret de Polichinelle. Une remise à plat du système s’impose pour en finir avec ses abus.    

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« ll fut un temps où la culture servait à ouvrir les yeux », regrette Alain Finkielkraut. Ceux qui la régentent lui demandent désormais d’avoir les yeux grands fermés sur la réalité du monde, de regarder les Français de haut, et d’assener des leçons de morale. La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, résume sa mission avec toute la candeur du camp du bien : «On essaie de représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit». L’urgence n’est pas de fusionner France télé et Radio France, mais bel et bien de garantir le pluralisme dans les grilles des médias publics. La mission du service public est de financer des programmes exigeants, sans obligation d’audience, que le privé ne finance pas. La seule utilité d’un média public n’est pas de concurrencer Netflix ou de produire des jeux, mais de tirer les spectateurs vers le haut. Nous en sommes loin. Face à ces dérives, comment s’étonner que certains réclament la privatisation de l’audiovisuel public ? 

Minée de l’intérieur et victime d’un déclassement accéléré dans tous les domaines, la France a plus que jamais besoin d’une culture et d’un système éducatif forts. Et donc de financements à la hauteur des enjeux. Mais une réforme puissante et radicale est nécessaire pour libérer la culture institutionnelle de l’emprise politique. Nous ne voulons surtout pas une culture « de droite » pour remplacer une culture « de gauche », mais une réforme profonde garantissant la liberté d’expression, de création, et le pluralisme. La neutralité des services publics — dans la culture, dans les médias, à l’école, mais aussi dans la justice — est un impératif non négociable dans une démocratie digne de ce nom, n’en déplaise à la CGT spectacle ou au Syndicat de la Magistrature. Il est urgent de faire respecter la neutralité des services publics, et l’ensemble des Français qui les financent. Il y va de la survie de notre démocratie tant la société se fracture en deux camps radicalisés.

La vérrouillage de services publics (justice, culture, médias) et des institutions (Conseil d’État, Conseil Constitutionnel, Arcom) par un camp politique — qui de surcroit se gargarise en permanence de protéger l’État de droit —, devrait être au cœur de nos inquiétudes. Dans l’état actuel des choses, qui peut affirmer que la France est encore une démocratie exemplaire ?  

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[1] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/l-argent-public-n-a-pas-a-financer-des-spectacles-hostiles-aux-valeurs-republicaines-20230421



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Romancier, journaliste, conseiller politique, createur de l'Université du Futur

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