Malgré son extraordinaire diversité, la cuisine juive repose sur une unité culturelle profonde fondée sur la Torah. Des plats de ghetto ashkénaze aux mets séfarades d’influence arabe, cette gastronomie de migrants déracinés a enrichi le patrimoine mondial de l’humanité.
Pour un goy, la découverte de la cuisine juive peut être une expérience bouleversante, tant du point de vue sensoriel que métaphysique. Elle confirme que la cuisine est le véritable noyau dur de toute culture, ce qui relie l’enfant à sa famille et le peuple à son passé. La cuisine juive est donc une voie d’accès permettant de mieux connaître ce peuple énigmatique entre tous…
Si la cuisine juive m’était contée …
Mais existe-t-il une cuisine juive ? Quand on leur pose la question, les juifs eux-mêmes paraissent en douter, les Séfarades mimant une scène d’étranglement ou d’étouffement en prononçant les noms les plus connus de plats ashkénazes, et les Ashkénazes reprochant aux Séfarades leur manque de distinction à table…
De fait, jusque dans les années 1960, on ne connaissait en Occident que la cuisine des juifs ashkénazes, originaires d’Europe centrale et de Russie, avec ses cornichons à l’aneth, son bortsch aux betteraves, ses boulettes de poisson, son foie haché aux oignons, ses harengs doux marinés, son pain de viande hachée aux œufs et à l’ail (klops), son pain hallah tressé, son roulé au pavot noir, son gâteau au fromage blanc et ses macarons aux amandes de Pâque…
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Quand les juifs affluèrent du Proche-Orient, d’Afrique du Nord, d’Inde et de Georgie, l’incroyable diversité des plats séfarades qu’ils apportaient avec eux fut perçue par les Ashkénazes d’Europe et des États-Unis comme la négation de toute identité culinaire juive. Dans son ouvrage essentiel, Le Livre de la cuisine juive (Flammarion, 2012), rédigé après quinze années de recherches et de voyages dans le monde entier, l’anthropologue britannique Claudia Roden a toutefois pu établir au contraire que cette complexité de la cuisine juive, éparpillée sur presque toute la surface du globe, repose bien sur une unité culturelle profonde.
Depuis plus de deux mille ans, la cuisine juive archaïque des origines, à base de céréales, de fruits, de lait caillé, de poisson, de vin, d’huile d’olive, d’herbes, d’épices, d’agneau et de veau, est transfrontalière. C’est une cuisine de migrants déracinés qui s’est toujours distinguée par sa capacité à adopter les mets et les plats des autres cultures et à les adapter à son code génétique primordial : la Torah, qui est la source à laquelle il faut revenir pour comprendre l’essence de cette cuisine millénaire. Ainsi, dans le même temps que le Dieu d’Abraham s’efforçait
