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Cuba, sous les soviets des tropiques


Cuba, sous les soviets des tropiques
La Havane, Cuba, juillet 2016. SIPA. REX40446638_000013
La Havane, Cuba, juillet 2016. SIPA. REX40446638_000013

J’ai inventé le voyage de l’éponge. C’est peu fatigant et idéal pour un homme dont la jeunesse s’est éloignée. Je m’essore vigoureusement de moi-même, j’oublie autant que possible qui je suis, et je me dépose pour deux mois dans une ville lointaine. L’éponge se remplit peu à peu des embruns du front de mer, de la rumeur des trottoirs, de l’espagnol des conversations, que je comprends même quand elles ne me sont pas destinées. Le vrai voyage est d’abord une excursion hors de soi-même. À la question partout posée : « Where are you from ? », je réponds d’un air agacé : « Soy habanero », et en général on s’abstient de rire. Ce pourrait être vrai, dans la plupart des pays d’Amérique tous les types physiques cohabitent et n’importe qui peut se révéler un indigène.

Il est d’autant plus facile de devenir un Cubain provisoire que le régime autorise les particuliers à louer quelques chambres de leur appartement à des touristes et à les nourrir au petit déjeuner et au dîner. C’est le système des casas particulares, profitable aux propriétaires et très bon marché pour les voyageurs. On peut ainsi s’intégrer à la vie d’une famille cubaine, surtout si on est seul et on parle espagnol. La mienne était nombreuse, chaleureuse, bruyante, grossie par des foules d’amis et de clients étrangers. Les soirées étaient pleines d’éclats de voix, de chansons de José Feliciano ou de son cubain à plein tube entrecoupé par les rires tumultueux du maître de maison. Amoureux du silence s’abstenir.

L’art de la débrouille, un enrichissement intellectuel, à défaut d’être pécuniaire

Les casas particulares sont l’une des minuscules entorses à la propriété collective que tolère le régime. On permet aux personnes les plus dynamiques d’épuiser leur énergie à s’enrichir, mais un tout petit peu car on taxe durement le moindre profit. La pauvreté est obligatoire et générale, mais je reconnais qu’elle reste digne et presque élégante. Sous les tropiques, un tee-shirt neuf assorti à un short ou une minijupe sexy suffit à donner de l’allure, et les Cubains, du type le plus espagnol au plus africain en passant par toutes les nuances de peau, ont souvent beaucoup d’allure. Les mendiants eux-mêmes ont une mise correcte et, comme les prostituées, ils vous sollicitent discrètement, tout en jetant alentour des regards méfiants : la police est omniprésente et très redoutée.

Le fonctionnement des restaurants est une autre façon de castrer les énergies individuelles, procédé essentiel à tout socialisme. On voit dans le centre de La Havane deux sortes de restaurants : de grands établissements vides, comme ce soi-disant restaurant italien au coin de Parque Central, le cœur de la ville, et de petits restaurants non seulement


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Juin 2017 - #47

Article extrait du Magazine Causeur




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