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Crise : suite et pas fin !


On prévoyait un déficit public français de 4,5% du PIB pour 2012. Mais au vu de la conjoncture récessive, nous nous dirigeons plutôt vers les 5%. Aussi, pour atteindre l’objectif fixé à 3% du PIB en 2013, de nouvelles mesures s’imposent : si François Hollande avait annoncé des hausses d’impôt pendant sa campagne, le gouvernement Ayrault entend aujourd’hui diminuer certaines dépenses publiques, voire baisser le nombre de fonctionnaires.

Et il y est bien obligé ! Car l’hypothèse rose d’un quinquennat avec 2,25% de croissance par an, soit 11,25 points cumulés sur cinq ans, s’éloigne à pas de géants. Sur deux ans, le PIB augmentera de 0,4% en 2012 puis de 1,3% en 2013, ce qui fait 1,7 point cumulé. Il reste donc 9,5 points de croissance à trouver en trois ans, soit environ 3,1 points par an. C’est inenvisageable. Autrement dit, l’annonce d’une réduction à zéro du déficit public sur la base du scénario du candidat Hollande est un mensonge programmé.

Dans ce contexte, la hausse du SMIC de 2% apparaît bien mesurée et intelligemment proportionnée. Cette modération salariale n’empêche pas la France d’afficher la hausse tendancielle la plus élevée pour le coût du travail peu qualifié. Entre 1970 et 2010, le salaire minimum français a cru de 2,5% par an, bien plus que la moyenne européenne, entraînant destructions d’emplois industriels et délocalisations en chaîne.
Certes, le SMIC contribue à réduire les inégalités. Mais à quel coût ? On constate que le salaire minimum favorise la création d’une catégorie d’emplois précaires à temps partiel, ce qui aboutit à ce que la probabilité de transformation d’un CDD en CDI soit moitié moindre en France que dans le reste de l’Europe.

Pour autant, tout n’est pas noir en France. Le projet de Banque Publique d’Investissement constitue ainsi une avancée positive en ce que ce nouvel établissement agira sur l’offre tout en palliant la défaillance bancaire dans la distribution de crédit, cette dernière se trouvant actuellement au point mort. Cette banque publique devrait s’appuyer sur les compétences d’Oséo en termes de garantie de crédits et les interventions du Fonds Structurel d’Investissements (FSI) en fonds propres et capitaux hybrides. Par ce biais, se mettra en place en 2013 un véritable outil de transformation industriel, qui ne sera efficace qu’à deux conditions :
– que les entreprises se restructurent (ce qui arrive avec les difficultés) ou lancent des projets d’investissement (c’est plus rare !)
– qu’on lui laisse le temps d’agir à long terme.

Or, du fait de son déficit commercial, la France appartient désormais à l’Europe du Sud, avec les autres pays du « Club Med »[1. Moins séparés de l’Europe du Nord par la dette publique que par les déséquilibres commerciaux.]. Nous marchons en effet vers un endettement public égal à 90% du PIB. Même l’Italie présence une situation plus saine que la nôtre, malgré sa dette publique de 120% du PIB, grâce aux inflexions à long terme et à la logique de désendettement insufflées par les gouvernements transalpins. Compte tenu de ces contraintes, les responsables politiques français semblent avoir compris qu’une simple relance keynésienne n’aurait aucun sens. Insuffler du pouvoir d’achat et décupler la demande ne riment à rien tant que l’appareil productif et industriel n’est pas assez compétitif et indépendant des importations pour se « redresser » – à bon entendeur…

Voilà le vrai sens de la hausse modérée du SMIC, au-delà du signal symbolique et électoral : en économie ouverte, Keynes a les mains coupées. Si l’on se penche au chevet de nos échanges, force est de constater que la monnaie unique a désintégré les balances commerciales des pays de l’UE. Certains sont devenus structurellement très déficitaires avec une industrie incapable de répondre à la demande locale (Grèce, Portugal). Depuis quelques années, la France – dont la balance commerciale restait faiblement excédentaire en 2000 – connaît un commerce extérieur structurellement déficitaire entre -3 et-4% de PIB. L’Italie est dans une situation meilleure de ce point de vue avec un déséquilibre commercial en amélioration qui culmine à -1% du PIB. Ce n’est un secret pour personne : l’Allemagne est une machine à exporter avec un solde extérieur courant correspondant à 6% de son PIB. A ce propos, on ne soulignera jamais assez le dérapage des coûts français par rapports aux coûts allemands depuis dix ans.

Plus globalement, si la balance commerciale cumulée de la zone euro est à peine équilibrée, les déséquilibres qui y apparaissent ici ou là résultent des pertes de compétitivité et de l’augmentation du coût du travail qui grèvent une économie comme la France. Dans l’Europe du Sud, à laquelle nous appartenons économiquement, les politiques de soutien de la demande n’ont fait que déséquilibrer un peu plus les comptes extérieurs entre pays de l’Euroland.

La prime à la casse automobile est l’exemple même d’un choix à courte vue pour doper artificiellement la conjoncture et le pouvoir d’achat. Que d’aucuns l’évoquent actuellement comme une solution miracle à la crise devrait nous alarmer : dans quel monde (et quelle Europe) ces esprits légers vivent-ils ?

*Photo : Stéfan



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est Professeur de Finance à l'Université Paris Dauphine

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