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Crise des migrants: l’animateur vedette de la BBC fait une reductio ad Hitlerum

Carton rouge


Crise des migrants: l’animateur vedette de la BBC fait une reductio ad Hitlerum
Emmanuel Macron et Rishi Sunak à Paris, le 10 mars 2023. A l'issue de la rencontre, Londres augmente considérablement son financement à la France pour combattre l'immigration clandestine © Jacques Witt/SIPA

Un des sujets les plus brûlants du sommet franco-britannique qui s’est tenu à Paris aujourd’hui? Celui des migrants, qui traversent la Manche dans des bateaux de fortune. Le Parlement de Westminster débat d’un projet de loi dont l’ambition est de mettre fin à ce phénomène. Le présentateur le mieux payé de la BBC s’est permis de faire une comparaison avec le IIIe Reich. Impunément.


Si Gary Lineker reste connu d’un certain public français, c’est uniquement parce que cet ancien footballeur anglais a joué au poste d’attaquant pour de nombreux clubs de football européens, parmi lesquels Barcelone, et qu’il a remporté le Soulier d’or de la Coupe du monde pour ses six buts au Mexique en 1986. M. Lineker n’a jamais reçu de carton jaune ou rouge au cours de sa carrière. Aujourd’hui, il est le présentateur le mieux payé de la BBC, avec un salaire annuel de 1,35 million de livres sterling en tant qu’animateur de l’émission footballistique phare de la BBC, Match of the Day.

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Les footballeurs ne sont généralement pas reconnus pour leur sagesse, et Lineker s’est rendu coupable cette semaine de la loi de Godwin, c’est-à-dire qu’au cours d’un débat en ligne sur un sujet politique d’actualité, il n’a pas hésité à faire une comparaison avec le régime nazi et son leader, Adolf Hitler.

Gary Lineker, le 29 janvier 2023  © Paul Greenwood/SIPA

Mercredi 8 mars, Suella Braverman, ministre britannique de l’Intérieur, a présenté un nouveau paquet législatif destiné à réduire l’immigration clandestine massive vers le Royaume-Uni à travers la Manche, notamment par le biais de petits bateaux au départ du nord de la France. La nouvelle loi prévoit la détention de ces immigrants et leur expulsion vers leur pays d’origine ou vers le Rwanda pour y demander l’asile. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les migrants pourraient empêcher leur expulsion pour des raisons liées à l’asile, à l’esclavage moderne et aux droits de l’homme.

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L’intervention de M. Lineker a consisté à s’insurger sur son compte Twitter en déclarant à propos d’un projet de loi qu’il qualifie de « plus qu’horrible » : « Il n’y a pas d’afflux massif. Nous accueillons beaucoup moins de réfugiés que les autres grands pays européens. Il s’agit d’une politique d’une cruauté incommensurable dirigée contre les personnes les plus vulnérables dans un langage qui n’est pas différent de celui utilisé par l’Allemagne dans les années 30 ».

En tant que particulier, M. Lineker a naturellement le droit d’exprimer son opinion. Dans une société libre, la liberté d’expression est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Toutefois, les personnes engagées dans la vie publique ont la responsabilité de réglementer leur discours de manière à ne pas être délibérément offensant et incendiaire. Bien que l’on puisse soutenir que les commentaires de M. Lineker ne sont ni l’un ni l’autre, ils ont certainement offensé, en particulier les parents de ceux qui ont fui l’Allemagne nazie dans les années 1930. En plus de ce problème, M. Lineker a des responsabilités supplémentaires en tant que salarié de la BBC.

Subventionnée, la BBC perd son public

Comme radiodiffuseur national, la BBC est financée par la redevance. Cette redevance annuelle de 159 livres sterling est une obligation pour tous les foyers du pays qui possèdent un téléviseur. Aucune autre chaîne de télévision ne bénéficie d’un tel financement garanti ; elles dépendent principalement des recettes publicitaires et des abonnements. Si la confiance du public dans la production de leur contenu diminue, il est probable que les téléspectateurs se détournent de la chaîne et que les revenus de cette dernière baissent. La BBC n’a pas de telles contraintes. Cependant, depuis sa création, il a été entendu qu’en échange de ce financement garanti, la BBC serait totalement impartiale dans sa production d’informations.

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Malheureusement, la confiance du public dans la BBC a chuté de manière spectaculaire.  En 2018, le niveau de confiance était de 75 %, alors qu’il n’est plus que de 55 % aujourd’hui. En effet, à de nombreuses reprises après le référendum sur le Brexit, l’institution a été accusée de partialité dans ses reportages. Consciente de ce problème, la BBC s’est efforcée de faire le ménage, ce qui est tout à son honneur.

Lorsque Boris Johnson s’est retiré de la course électorale pour redevenir Premier ministre après la démission de Liz Truss, une présentatrice de la BBC, Martine Croxall, a été retirée des ondes pendant une semaine pour avoir déclaré en direct à la télévision : « Ai-je le droit d’être aussi joyeuse ? »

Le devoir d’impartialité trop souvent bafoué

En outre, la BBC a mis en place des règles strictes concernant les interventions sur les médias sociaux. L’une de ces règles stipule que « si votre travail exige que vous restiez impartial, n’exprimez pas d’opinion personnelle sur des questions de politique publique, de politique ou de « sujets controversés ». »

En tant que simple présentateur d’une émission sportive, on pourrait affirmer que le travail de Gary Lineker n’exige pas qu’il conserve son impartialité. Cependant, son cas reste exceptionnel dans la mesure où l’influence publique de M. Lineker est incommensurable. Ce n’est pas la première fois qu’il commente les politiques publiques et, en septembre dernier, Tim Davie, le directeur général de la BBC, a pris des mesures disciplinaires à son encontre à la suite de plaintes concernant de nombreux commentaires qu’il avait faits en ligne. 

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Ses derniers tweets ont suscité de nouvelles et compréhensibles demandes de licenciement. Néanmoins, il semble que la dernière indiscrétion de M. Lineker ne sera pas sanctionnée. Ce traitement apparemment préférentiel accordé à l’employé le mieux payé de la BBC a donc provoqué une nouvelle déception et contribuera probablement à une baisse continue de la confiance du public dans l’impartialité de l’institution. Ceux qui réclament l’abolition de la redevance y trouvent un argument supplémentaire.

Bien que je comprenne l’ironie qu’il y a à défendre la liberté d’expression tout en demandant que quelqu’un soit sévèrement puni pour ce qu’il dit, compte tenu de tout ce qui s’est passé auparavant, je pense qu’en l’occurrence, la BBC n’a pas pris la bonne décision. Elle ne regagnera pas la confiance du public si elle continue à soutenir des individus qui persistent à enfreindre leurs propres lignes directrices, à ignorer les résultats des procédures disciplinaires internes. M. Lineker aurait dû recevoir le premier carton rouge de sa carrière et perdre son emploi.




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