Les séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine revendiquent un « oui » massif au référendum pour l’autonomie du Donbass, région composée des provinces de Donetsk et de Lougansk. « 89,07 % ont voté pour » l’indépendance hier, à Donetsk. Mais cela ne signifie rien, rien du tout. Selon Kiev, c’est une « farce criminelle ». Pour François Hollande, ce scrutin est « nul et non avenu ».
La légalité de cette consultation, de même que le vote du 16 mars en Crimée, laisse sans doute à désirer. Ne serait-ce que sur un plan procédural : ni la Crimée ni le Donbass n’ont compétence pour se détacher de l’Etat ukrainien.
Mais le gouvernement de Kiev souffre également d’un déficit de légalité. Institué le 20 février, après le rejet par l’opposition de l’accord négocié entre le président Ianoukovitch et les leaders de Maïdan, sous l’égide de la France, de l’Allemagne et de la Pologne, ce cabinet est né du renversement par la force du pouvoir en place. Autrement dit, si le nouveau régime ukrainien est reconnu internationalement, il ne le doit qu’au bon vouloir des chancelleries occidentales. Car l’argument de la table rase, selon lequel il faudrait repartir de zéro pour créer un gouvernement intègre, ne suffit pas à créer une autorité légale.
Dans pareil terrain miné, chacun des acteurs politiques fait valoir sa légitimité et invoque le soutien populaire – de l’Ouest ou du Sud-Est du pays. Or, d’après l’étude de l’agence américaine Pew Research, publiée le 8 mai, le référendum du 16 mars, toujours pas reconnu par la communauté internationale, refléterait l’opinion ultra-majoritaire chez les Criméens. L’enquête menée entre le 5 et le 23 avril confirme que 82% de la population locale porte une haute considération au nouveau gouvernement local de Simferopol. Aux yeux de la plupart des Criméens, les forces d’auto-défense, tant décriées par l’Occident, ont joué un rôle positif tandis que le gouvernement de Kiev suscite leur méfiance. Moins de 7% de la population de la presqu’île considère que les autorités centrales respectent les libertés individuelles. Et moins de 20% pense que les élections présidentielles se tiendront de manière juste et équitable.
Puisque l’expertise américaine ne laisse guère de place au doute, on peut se demander pourquoi l’issue du vote criméen devrait être remise en cause. La même question mérite d’être posée à Donetsk et Lougansk. Si la légitimité est la seule aiguille qui fonctionne encore en Ukraine, alors il est peut-être temps d’entendre la voix du peuple.
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