Rien n’y fait.
Un jeune Rom se trouve dans le coma après avoir été lynché, roué de coups par une douzaine de personnes qui le soupçonnaient d’avoir cambriolé l’appartement d’une habitante de Pierrefitte-sur-Seine dans le 93.
Le Premier ministre, comme son Président, a évidemment condamné cet acte odieux et il a raison.
Mais il a tort de s’arrêter là et de ne pas faire un examen d’intelligence et de conscience qui lui imposerait d’incriminer, derrière la détresse sociale et le racisme ambiant, le désarmement de l’Etat dans sa mission de sécurité et de protection.
À cause d’une philosophie pénale inversement proportionnelle à l’inquiétude légitime de la société. Avec, pour conséquence gravissime, des comportements qui se laissent aller au pire parce que la confiance en l’autorité et l’efficacité publiques fait de plus en plus défaut.
Le hasard de l’actualité conduit, dans un quotidien que j’apprécie, au rapprochement de cette violence collective à cause d’un soupçon de cambriolage avec le désir du Sénat de « gauchir » la réforme pénale en supprimant par exemple les peines de prison pour les atteintes aux biens (Le Figaro).
Rien ne m’étonnera jamais de la part du sénateur Michel, rapporteur du texte, mais tout de même une telle inadaptation à la réalité quotidienne de l’insécurité, un tel mépris, au fond, pour nos concitoyens – les plus modestes, paradoxalement, étant les plus touchés car leur sûreté est leur bien principal – qui supportent vols, cambriolages, agressions et transgressions de toutes sortes, sont scandaleux.
Les victimes, elles, n’ont pas le loisir de théoriser en se consolant parce qu’elles n’auraient été offensées que dans leur qualité de détentrices ou de propriétaires : elles ont la faiblesse de tenir à leurs biens, moins qu’à leur vie certes, mais pas au point d’éprouver de l’indulgence pour les spoliateurs, les voleurs à l’arraché ou autres spécialistes de l’appropriation frauduleuse, brutale ou parfois sanglante.
Qu’une telle idée ait pu germer dans la tête d’un socialiste montre à quel point le socialisme est désaccordé d’une France qui n’a plus l’ombre d’une illusion sur ce plan. Et qui combat toute seule, et à force dangereusement pour elle, et pour les malfaiteurs quelquefois.
En contrepoint conceptuel mais cependant révélateur, je souhaiterais attirer l’attention sur un entretien accordé par Jean-Marie Delarue pour une sorte de bilan de son activité comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Le Parisien).
Il va être remplacé probablement par Adeline Hazan et puis-je dire que je crains beaucoup avec cette promotion partisane, compensation d’un échec aux élections municipales. L’idéologie de cette femme, dans un tel poste, va pouvoir se donner libre cours !
Jean-Marie Delarue est une personnalité intelligente, estimable, sensible, indulgente pour tous ses collaborateurs et en définitive assez satisfaite de son action puisqu’elle affirme « avoir réussi à obtenir des changements en prison ».
Ce qui m’a fait sursauter est un bout de phrase. Il compare les criminels comme Tony Meilhon qui ne seraient pas comme nous – il y en aurait à peu près 2000 selon lui en prison – et tous les autres – 66 000 – seraient « des gens comme vous et moi ».
Je ne comprends pas ce type d’assertion. Sur le plan de l’essence humaine, les criminels et les autres appartiennent à notre monde et l’humanité, dans sa fraternité abstraite et de principe, ne les distingue pas.
Mais, pour le concret, les 66 OOO condamnés qu’évoque Jean-Marie Delarue ne sont pas « des gens comme nous ». Ou alors seulement si on ajoute cette précision capitale : des gens qui ont commis des infractions et qui ont été sanctionnés à cause d’elles.
C’est de la démagogie que d’oublier, dans l’appréciation qu’on porte sur les lieux d’enfermement, cette nuance fondamentale. Ils ne sont pas comme nous puisque, jusqu’à nouvel ordre, nous n’avons perpétré ni crimes ni délits. J’entends bien que personne ne peut se dire à l’abri de telles dérives mais on peut raisonnablement supputer que par exemple un Jean-Marie Delarue ne s’y abandonnera jamais.
Ce n’est pas rien que de feindre d’abolir par une générosité mal placée cette frontière radicale qui sépare le mal parfois seulement fortuit du bien. C’est persuader les détenus, les transgresseurs qu’au fond, ils n’ont pas de comptes à rendre et que la prison est une punition injustifiée. Bien sûr, c’est la société qui est coupable !
Avec un tel propos, le ver est dans la justice et le poison dans l’équité. La rigueur s’affaiblit d’elle-même. Et la gauche se cultive et se félicite.
Cette gauche aurait vraiment besoin d’une bonne droite !
*Photo: LCHAM/SIPA.00685945_000003
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