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Non, Fabien Roussel, il n’y a aucune honte à «se saisir» du drame de Crépol

Le billet de Philippe Bilger


Non, Fabien Roussel, il n’y a aucune honte à «se saisir» du drame de Crépol
Fabien Roussel, à l'Assemblée nationale, le 14 novembre 2023. ©Jacques Witt/SIPA

L’extrême gauche est dans un deux poids deux mesures permanent


L’expédition meurtrière de Crépol a suscité l’incompréhension de certains, l’indignation de beaucoup. Une preuve de plus de l’ensauvagement, selon le ministre Gérald Darmanin : il a raison. Et bien plus qu’une rixe, selon le terme médiatiquement utilisé pour banaliser ces barbaries ordinaires qui, chaque jour ou presque, viennent jeter leur horreur au visage de la France.

Une accusation systématique

Fabien Roussel, Secrétaire général du parti communiste, a dit ce qui convenait sur cet épisode odieux de violences collectives mais il a éprouvé le besoin d’ajouter à son « propos une tonalité politicienne : « Des responsables d’extrême droite se saisissent de ce drame pour en faire un projet politique »[1]. Que Fabien Roussel vise l’extrême droite ne m’étonne pas. C’est une habitude de la gauche et de l’extrême gauche. L’extrême droite (si cette définition a encore du sens ?) pourrait considérer cette dénonciation comme une sorte d’hommage pervers puisqu’elle validerait le fait que le RN et « Reconquête! » sont en effet obsédés par la délinquance qui s’accroît dans notre pays. Ce grief de Fabien Roussel est d’autant plus surprenant qu’il émane d’un responsable qui n’a jamais méprisé ni insulté la police et a su faire preuve, dans ses interventions sur les thèmes régaliens, de justesse et de lucidité.

Ce réflexe d’accuser systématiquement son adversaire de « récupération politique » est d’ailleurs absurde : car tout fait sens.

Je souhaiterais que les partis et toutes les personnalités politiques qui sont représentés à l’Assemblée nationale, donc tous dans l’arc républicain (malgré les fluctuations d’inclusion ou d’exclusion émanant du pouvoir…) aient la volonté de « se saisir des drames », des tragédies, des détresses et des misères engendrées par la multiplication des délits et des crimes et de la relative impuissance avec laquelle on les combat… Cette réalité qui angoisse nos concitoyens les fait douter de la capacité des pouvoirs à la réduire, à quelque niveau que ce soit.

Il ne serait donc pas honteux, pour n’importe quel camp, de s’approprier comme s’il était directement touché, tout ce qui vient troubler et meurtrir la France, sans jamais – la plaie d’aujourd’hui – tomber dans le « deux poids deux mesures ». Cette inégalité qui est éclatante sur le plan international – des conflits à bas bruit mais pourtant dévastateurs indiffèrent quand d’autres plus rares mobilisent sans cesse – a aussi sa traduction nationale : je constate qu’il y a de l’illicite face auquel on baisse les bras, des désordres contre lesquels on demeure passif, des absurdités et des malveillances qui nous laissent silencieux.Parce qu’à l’évidence, chez certains, l’idéologie prime tout et conduit à des visions fragmentaires et orientées.

Par exemple récemment, une marche a été organisée par la mère de Nahel. Comme on lui « passe » tout, peur et démagogie mêlées, si on a abandonné le mythe « du petit ange », en revanche personne ne s’est ému du terme « d’hommage », ni de la scandaleuse dénonciation de l’Etat de droit, vitupérant la remise en liberté sous contrôle judiciaire, enfin, après quatre mois de détention, du fonctionnaire de police mis en examen pour homicide volontaire, ni des slogans injustes ou outranciers – « il m’a enlevé deux vies, il m’a tuée en même temps », « mais tous ces jeunes ici, qui crient leur douleur, savent qu’ils peuvent être le prochain », « tous les enfants sont en danger »… Proférés notamment par la mère de Nahel et l’inévitable Assa Traoré…

Les mêmes qui réclament l’application de l’État de droit le foulent aux pieds, globalisent et préjugent.

Il y a ainsi mille circonstances où la classe politique, si elle ne se sentait pas lassée par l’obligation de l’impartialité et de l’universalité, pourrait intervenir et « se saisir » de tout ce qui profondément, au-delà des clivages partisans, devrait la regarder. Or, à la marche organisée pour Nahel, il y a eu deux députés LFI qui se sont exprimés : ce n’était pas la meilleure manière d’enseigner à leurs concitoyens le respect de la démocratie et des institutions qui la fondent ! Je maintiens donc mon point de vue. Et avec modestie, je me permets de répondre à Fabien Roussel : oui, il faut « se saisir des drames ».


[1] https://www.europe1.fr/politique/drome-pour-fabien-roussel-des-politiques-se-saisissent-de-ce-drame-pour-en-faire-un-projet-politique-4215596

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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