Depuis la mort de Thomas il y a presque deux semaines, divers représentants des autorités morales et politiques de notre pays ont accompli d’invraisemblables erreurs dans leur prise de parole.
L’affaire de Crépol soulève à n’en point douter des interrogations politiques majeures. Notre pays n’est pas habitué à ce qu’un petit village paisible soit la cible d’une attaque meurtrière perpétrée au couteau par les membres d’une bande présumée “organisée”, avec pas moins de neuf témoins qui rapportent que ces derniers ont proféré durant leur forfait des menaces et des insultes racistes visant les “blancs” et les “céfrans”.
De tels faits sont-ils appelés à se banaliser ? Que nous disent-ils de la haine tenace et dangereuse éprouvée par certains habitants de banlieue envers la France traditionnelle ? Quelles conséquences seront-elles tirées dans nos campagnes ? Ces questions sont appelées à nous tourmenter longtemps.
Fautes de débutants
Mais au-delà de ces graves préoccupations, un sujet plus léger, de communication, peut également être examiné, qui explique en partie la colère et l’inquiétude de nos concitoyens. Voici les principales fautes de débutant, à éviter absolument, qui ont été commises au sommet du pays depuis dix jours. Résumons-le en cinq fautes à éviter.
Quand on est confronté à un drame hors-norme et lourd de sens tel que la mort de Thomas :
- Il ne faut pas cacher les prénoms de mis en cause, comme le Parquet l’a fait, croyant naïvement obtenir un “pas de vagues” judiciaire; cela alimente au contraire le soupçon.
- Il ne faut pas dire tout et son contraire à cinq jours de distance, comme l’exécutif l’a fait en déclarant, par la voix de la Première ministre Elisabeth Borne le 22 novembre à l’Assemblée nationale, qu’il ne fallait surtout pas « utiliser ce drame pour jouer sur les peurs », avant de déclarer, par la voix du porte-parole du gouvernement Olivier Véran, le 27 novembre à Crépol, qu’il s’agit en réalité « d’un drame qui nous fait courir le risque d’un basculement de notre société »; cela démontre que l’on ne sait pas bien réfléchir aux événements.
- Il ne faut pas dire tout et son contraire en moins d’une minute de distance, comme le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti l’a fait le 28 novembre à l’Assemblée nationale en accusant le Rassemblement national de vouloir opposer « la France rurale et tranquille, catholique et blanche, à la France des cités»… pour ensuite mieux s’empresser lui-même d’opérer une séparation dans le corps national en lançant : « Nos frères juifs ont peur, nos frères musulmans aussi ! »; cela démontre qu’on prend les gens pour des imbéciles.
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- Il ne faut pas pérorer dans un studio de télévision cossu parisien et prétendre raconter en direct à une heure de grande écoute ce qui s’est passé à Crépol après avoir simplement lu Le Monde, comme Patrick Cohen l’a fait, également le 28 novembre sur France 2, en affirmant, à l’appui des seules déclarations des suspects aux enquêteurs, que la bande présumée était juste venue de soir-là « pour draguer des filles », si bien qu’il ne pouvait que s’agir d’un de ces « bals tragiques (rire), aussi vieux que les fêtes de villages »; cela est consternant de paresse et de suffisance journalistique.
- Il ne faut pas attendre dix jours pour observer une minute de silence au Palais Bourbon, comme l’a fait, toujours le 28 novembre, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet ; cela ressemble à un pénible rétropédalage.
La mort de Thomas restera gravée dans les mémoires pour des raisons qui dépassent évidemment cette piteuse comédie médiatique. Mais l’amateurisme avec lequel certaines élites parisiennes ont traité l’affaire n’a pas fini de nous laisser coi.
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