Le journaliste Victor Castanet vient d’entamer une nouvelle grande tournée des médias pour promouvoir une enquête qui dénonce des dérives dans le secteur des crèches.
Après les EPHAD, les crèches. Après les anciens, les bambins. Après Les Fossoyeurs, ouvrage d’enquête qui mettait en lumière les pratiques souvent odieuses de certains EPHAD du secteur privé, voilà que paraît un nouveau réquisitoire, les Ogres, exposant cette fois les dérives, les aberrations de fonctionnement d’établissements, là encore du secteur privé et concurrentiel, voués à l’accueil de la petite enfance. L’investigateur-auteur de ces enquêtes aux révélations proprement révoltantes, Victor Castanet. Cette fois, il est allé fouiller du côté des couches-culottes et le moins qu’on puisse dire est que ça ne sent pas très bon.
Dans les deux cas, les dysfonctionnements, souvent effarants, trouvent leur principale explication dans la doctrine du système général : faire du fric. Toujours plus de fric. Tous les moyens – ou presque – sont bons. Une concurrence impitoyable règne à côté de laquelle celle qu’affrontaient les héros de Dallas ne serait que bluette. On casse les prix à l’appel d’offre pour l’emporter et après on se débrouille pour rogner sur tout afin de dégager le sacro-saint profit qui est aux actionnaires ce qu’est le petit pot vitaminé aux tout petits, ce après quoi ils braillent à tue-tête quand ils sont en manque. Une parmi une kyrielle de pratiques louches, le bidouillage des feuilles de présence des enfants afin d’empocher le maximum d’argent des caisses d’allocations familiales. On allonge la durée de leur supposée présence à la crèche et on les inscrits même quand ils ne sont pas là. Tout est pour le mieux. Au bout de l’entourloupe, le contribuable paiera.
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Même la crèche de Matignon est entrée dans la danse, sélectionnant sur appel d’offre un affriolant « moins disant ». À croire que dans les services du Premier ministre personne n’est assez compétent pour réaliser que lorsqu’on propose à trois mille euros un service dont le coût réel est de douze mille, il y a nécessairement un loup. Comme dans les fables à faire peur aux petits, un gros loup aux dents bien acérées. Drôle non ?
Hier donc, les anciens. À présent, les bambins. L’explication, la seule, la vraie : le cynisme écœurant du système. Le système qui n’a de considération pour l’être humain qu’autant qu’il se cantonne dans le rôle qui lui est assigné de brave et docile producteur-consommateur. Or, au début de l’existence, à l’âge des couches-culottes, comme à la toute fin (où hélas on ne peut exclure le retour du même équipement) l’individu n’est de facto ni véritablement un consommateur, ni un producteur. Pour autant, la loi du système ne saurait tolérer que cela suffise à le dispenser de participer à la grande course aux profits. La solution imposée est d’une simplicité confondante : faisons en sorte que l’ancien et le marmot deviennent eux-mêmes le produit. Le produit, tel le paquet de lessive, autour duquel s’organisent un marché, une concurrence, une mécanique génératrice d’argent. Ainsi, dans ce monde impitoyable, il est impératif que, de son premier souffle à son dernier, l’être humain soit « rentable », bankable. Cela en dit long sur le niveau d’indignité qu’atteint notre société, notre civilisation. Chez bien des peuples dits primitifs le petit d’homme et l’aïeul sont sacrés. Chez nous, seul le tiroir-caisse l’est.
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