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Crèche à Béziers: comme sur des roulettes


Crèche à Béziers: comme sur des roulettes
Emmanuelle et Robert Ménard. Photo: Hannah Assouline.

Face aux créchophobes, le maire Robert Ménard pare à toute éventualité. Les défenseurs sourcilleux de la laïcité qui s’opposent à la vue de l’âne, du bœuf et de l’enfant Jésus sont surtout des adversaires résolus de l’identité française traditionnelle.


Avec le mois de décembre, les sapins de Noël font leur retour dans nos villes (sauf  à Bordeaux dont les habitants sont privés d’arbres morts). À cette funeste exception près, même les partisans les plus fanatiques de la table rase ne font pas trop d’histoire avec les arbres enrubannés qui réjouissent la vue et l’âme. Ni d’ailleurs avec les illuminations festives destinées à attirer les grâces des dieux du commerce et de la dépense.

Bizarre que les Verts, qui ne sont jamais à court de trouvailles peine-à-jouir pour gâcher les plaisirs simples ne se soient pas avisés de calculer leur bilan carbone. Mais ne désespérons pas, il leur reste trois semaines.

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Il serait étonnant, en revanche, que personne ne s’indigne de voir les crèches ressortir de leurs cartons ou de leur atelier (selon leur taille) pour être installées ici dans une mairie, là dans un hôtel départemental ou régional. Encore que, peut-être certains ont-ils compris qu’il valait mieux ne pas trop chatouiller le populo sur son coupable goût des traditions et des racines.

Déménagement possible en cas de décision judiciaire défavorable

Robert Ménard est l’un des premiers à dégainer. Comme tous les ans depuis 2014, le maire de Béziers installera la crèche de Noël dans la cour d’honneur de la mairie de sorte qu’il sera impossible pour quiconque pénètre dans le bâtiment de la rater. Il faut noter que cette crèche a la particularité d’être montée sur roulettes. Pour pouvoir déménager rapidement en cas de décision judiciaire défavorable.

La crèche de Béziers
La crèche de Béziers

roulettes-beziersEn effet, les polémiques sont presque aussi traditionnelles que la crèche elle-même. Il se trouve toujours quelques militants pour s’offusquer de l’insupportable atteinte à la laïcité que constitue cette représentation naïve de la Nativité, des préfets pour relayer leurs récriminations et un Tribunal administratif pour condamner les collectivités contrevenantes. Les condamnations étant assorties d’une injonction de faire cesser le scandale et d’astreintes à payer en attendant, le maire de Béziers a imaginé l’astucieuse crèche à roulettes : ainsi peut-elle être déplacée facilement en cas de décision judiciaire défavorable. Cependant, l’an dernier, le Préfet de l’Hérault a laissé la crèche tranquille. Donc, il n’est pas impossible qu’il ait lâché l’affaire et que les roulettes soient encore inutiles cette année.

Le santon du professeur Raoult

On me dira que la crèche est effectivement problématique d’un point de vue laïque, puisque l’article 28 de la loi de 1905 interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ». Cependant, dans un arrêt de 2016, le Conseil d’Etat a estimé que les crèches devaient être interdites dans les bâtiments publics, sauf si elles présentaient « un caractère culturel, artistique ou festif ». C’est ainsi que grâce aux santons, qui sont un art des classes populaires, les crèches installées à Lyon et dans nombre de villes du sud ont désormais droit de cité.

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On peut opposer plusieurs arguments aux tenants d’une conception littérale de la laïcité. Premièrement, comme le rappelait l’ami Brighelli dans Le Point en 2014, il n’est nullement question dans la bible d’animaux qui adorent Dieu. Comme le sapin et le père Noël, la crèche, qui a été interdite par le Concile de Trente résulte d’un mélange de légendes païennes, de superstitions et de traditions artisanes. À Marseille, le santon qui fait fureur cette année est celui du professeur Raoult. Même si celui-ci est pour certains un dieu vivant, on admettra qu’on est assez loin de la foi catholique.

Une expression de l’identité française

Surtout, les créchophobes ne sont pas tant des défenseurs sourcilleux de la laïcité que des adversaires résolus de l’identité française dont l’existence même serait raciste, offensante pour les derniers arrivés, en particulier les musulmans. Ceux que la vue de l’âne, du bœuf et de l’enfant Jésus indispose ne peuvent pas supporter les expressions de l’identité française traditionnelle, laquelle est fortement teintée de catholicisme. Nul ne songe aujourd’hui à regretter la tutelle sur les esprits de l’Église catholique, même pas cette dernière. Mais il s’agit bien ici de culture et, n’en déplaise aux partisans d’un multiculturalisme dont une majorité de Français ne veut pas, l’égalité entre les individus ne suppose pas l’égalité entre les cultures. Autrement dit, la culture française doit jouir en France d’une sorte de droit d’aînesse. Au demeurant, elle n’est pas une punition mais un cadeau. Les crèches font plaisir aux enfants et leur parlent de l’histoire de leur pays, quelle que soit leur religion. Ceux qui se sentent offensés par les sapins, les crèches ou les clochers devraient peut-être se trouver un autre pays.

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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