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«C’est fantastique tout ce qu’on peut supporter!»

L'édito politique de Jérôme Leroy


«C’est fantastique tout ce qu’on peut supporter!»
Olivier Véran à Dunkerque, février 2021. Le confinement y est prolongé le weekend jusqu'à la fin mars (communes de la Communauté urbaine de Dunkerque et de la Communauté de communes des Hauts de Flandre) © Francois GREUEZ/SIPA Numéro de reportage : 01006004_000024

Ainsi s’exclamait Apollinaire dans une lettre de 1915. Un an après le premier confinement, comment ne pas lui donner raison?


Le 30 novembre 1915, alors qu’il était au front, le poète Guillaume Apollinaire écrivait à Madeleine Pagès: « C’est fantastique tout ce qu’on peut supporter. » Ces jours-ci, la pandémie de Covid-19 fête en France son premier anniversaire et on a l’impression d’être revenu à la case départ. Alors, oui, c’est fantastique tout ce on peut supporter.

La population comme variable d’ajustement

On peut supporter d’entendre que la population est usée psychiquement et qu’elle aurait du mal à vivre un autre confinement dur. Alors que si elle est usée psychiquement, c’est précisément parce qu’elle est réduite à une variable d’ajustement pour l’économie. On peut supporter de travailler, de fréquenter des cantines, de se dépêcher de faire ses courses pour rentrer à 18 heures alors qu’on nous dit que les musées, les salles de cinéma, les plages le dimanche sont plus dangereuses qu’un métro aux heures de pointe. On peut supporter, en plus, pour certains d’entre nous, de s’enfermer le week-end. Et supporter de n’entendre que trop peu de voix souligner une évidence: c’est cette politique humiliante qui a fini par user, depuis le mois de novembre, le moral des Français. Infiniment plus qu’un confinement dur qui casserait une fois pour toutes la chaine de contamination et nous sortirait de ce cauchemar au ralenti qu’on appelle « vivre avec le virus ».

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On peut supporter, mais pour combien de temps, de voir que tout cela ne sert à rien, qu’il y a maintenant dix mille morts par mois et vingt-cinq à trente mille contaminations par jour. On peut supporter, mais pour combien de temps,  les autorités nous dire chaque semaine que la sortie du tunnel est pour dans quinze jours, alors que tout ça ressemble davantage à ces mirages qui apparaissent dans le désert au fur et à mesure qu’on s’en approche.

Bobards institutionnalisés

On peut supporter les bobards institutionnalisés et démentis par l’expérience de chacun sur le rythme des vaccinations, les débats des chaines infos où est célébré le génie de Macron le Virologue qui a fait fermer leurs bouches aux scientifiques alors que déjà, on réarme des TGV sanitaires pour gagner quelques lits et éviter que ça commence à mourir dans les couloirs.

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On peut supporter l’obscénité présidentielle aux multiples visages. Par exemple,  parler d’un « pari » de ne pas reconfiner, comme si une politique de santé publique était une affaire de bookmaker, en oubliant que tout ça se chiffre en deuils. Ou alors, s’adresser à la jeunesse en lançant un défi à des « influenceurs » sur YouTube qui s’appellent, excusez du peu, McFly et Carlito. Voilà des jeunes qui ne sont pas islamogauchistes, au moins.

Réalité parallèle

On peut supporter, puisqu’on aborde les sujets qui fâchent, voir Blanquer évoluer dans une réalité parallèle où le virus, allergique aux études, ne pénètre pas dans les écoles et, en matière d’université, se lancer dans une croisade idéologique plutôt que de s’interroger sur la grande misère de la recherche qui amène la France à être le seul pays qui ne propose pas de vaccin malgré la baleine Sanofi trop occupée à engranger les dividendes tout en licenciant.

Oui, Apollinaire a raison, c’est fantastique tout ce qu’on peut supporter…



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