Elisabeth Lévy et Pierre Manent se demandent si nous ne sommes pas rentrés dans l’ère de l’État « nounou ». Selon les deux penseurs, il fait écho à l’Etat « Big mother » décrit par Michel Schneider. À la protection d’un corps politique se substitue la protection d’une multitude d’individualités…
Causeur vous propose cet après-midi de lire un extrait des dernières interventions de Pierre Manent sur REACnROLL, la webtélé des mécontemporains (5€ par mois).
Pierre Manent. Dès lors que l’État se soucie de notre santé, il renonce à prendre en considération tout autre aspect de la vie commune, d’où cette conséquence que vous avez relevée avec consternation comme beaucoup de Français. [Nos dirigeants] ont adopté une mesure d’une extrême brutalité qui traite les Français comme des enfants adoucis et qui leur ôte sans raison convaincante certaines de leurs libertés les plus élémentaires.
(…)
Elisabeth Lévy. Ce qui a changé c’est que la protection des individus va de plus en plus loin. Ce que nous attendons de l’État ce n’est plus qu’il nous protège contre les catastrophes, mais qu’il nous assure en quelque sorte le risque zéro.
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Pierre Manent. En réalité, nous ne sommes plus dans un gouvernement politique, parce que l’État, en même temps qu’il nous domine, nous citoyens, de façon aussi impressionnante, reste notre instrument par la façon dont nous requérons ses services. Nous demandons par exemple aux juges de condamner les gouvernements parce qu’ils n’ont pas éclairci notre atmosphère suffisamment rapidement! nous demandons au conseil scientifique de nous dire si nous pouvons ou ne pouvons pas reprendre les cours!
Au sommaire de L’Express cette semaine :
Surenchère judiciaire autour du Covid-19 : cette soif de coupables pic.twitter.com/LiTEbSVxxX
— L’Express (@LEXPRESS) May 19, 2020
Donc en réalité nous continuons de considérer l’État comme notre instrument, non pas du bien commun, mais l’instrument de protection de ma vie, ou de la vie de mes enfants. Alors que la raison d’être de l’État c’est aussi de protéger les frontières de la Nation, l’indépendance nationale et les composantes principales du bien commun. L’État s’est réduit aujourd’hui à la protection du bien public dans la mesure où ce bien se confond avec le bien de chacun.
Elisabeth Lévy. Cela va une fois de plus avec ce que nous sommes ; beaucoup disent que c’est pour protéger les autres. Or on a tout de même le sentiment que chacun cherche à assurer d’abord sa propre protection.
Pierre Manent. L’amour de soi pousse chacun dans cette direction. Seulement, le gouvernement pourrait faire autre chose qu’être simplement au service de cette étroitesse du souci collectif ; au contraire il ne fait que l’encourager. Donc c’est cela, je crois, qui est le principal problème : le gouvernement est tellement impuissant pour prendre les décisions les plus importantes pour le bien commun, qu’il s’accorde une souveraineté illimitée dès lors qu’elle peut être justifiée par la protection des intérêts strictement individuels (…) L’État ordonne la vie française mais il n’ordonne pas nos vies comme des membres de ce corps politique appelé « France » ; il ordonne nos vies comme des membres de l’espèce humaine dont la vie doit être préservée.
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