L’efficacité sanitaire du port du masque, du confinement, de la fermeture des bars et restos ou du choix des tests est sujette à caution. Tout comme la justification scientifique des mesures imposées par l’État. Qui visent d’abord à nous montrer que nos gouvernants agissent.
Masques, un débat bâillonné
Lorsque Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement, expliquait lors d’une conférence de presse en mars qu’il n’y avait pas d’utilité au port du masque dans la population générale, il n’existait pas de preuves robustes ou de recommandations incitant à généraliser le port du masque. C’est encore le cas. Les seules preuves existantes concernent la capacité du masque à limiter le risque de transmission du virus d’une personne malade vers une personne non malade en cas d’interactions répétées et rapprochées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) écrivait en juin qu’« il n’existe aucune preuve directe […] sur l’efficacité du port du masque généralisé aux personnes en bonne santé dans la communauté pour prévenir l’infection par les virus respiratoires, y compris le SARS-CoV-2 », listant 11 désavantages à la généralisation du port du masque comme le risque d’autocontamination par une mauvaise manipulation du masque ou des inconforts pour les personnes souffrant de troubles cognitifs[tooltips content= »« WHO, Advice on the use of masks in the context of COVID-19 », 5 juin 2020″](1)[/tooltips]. Il est regrettable que le gouvernement n’ait pas eu le courage d’affirmer que la non-généralisation du port du masque se défendait. Résultat, alors que le débat scientifique reste ouvert, plus personne n’ose contester l’utilité du masque pour tous. Et la façon dont l’État accorde des dispenses dans certaines situations et pas dans d’autres témoigne de la fébrilité avec laquelle les décisions sont prises. Il n’y a pas de justification scientifique à autoriser le retrait du masque dans les cantines scolaires ou dans les chambres d’internat partagées et à le rendre obligatoire pour l’enseignant dans une salle de classe de maternelle. Dans ce cas, c’est en outre dommageable : les jeunes enfants sont rarement contaminés, mais l’apprentissage de la langue est dégradé par le masque qui occulte le mouvement des lèvres et déforme les sons. Les indications du port du masque devraient pouvoir être revues sans passion ni démagogie, sans invoquer le spectre du patient intubé en réanimation, à la façon de ces images de chairs mises à nue des paquets de cigarettes, dont l’impact émotionnel finit toujours par s’émousser, et sans brandir le principe de précaution, cette projection du pire qui autorise toutes les dérives.
La valse des confinements
Certaines études affirment sur la base de modèles mathématiques, dont elles-mêmes soulignent les limites, que le confinement aurait sauvé des millions de vies[tooltips content= »Flaxman et al., Nature, 2020. »](2)[/tooltips], tandis que d’autres concluent à l’absence de lien entre cette mesure et la limitation du nombre de décès[tooltips content= »Chaudhry et al., EClinicalMedicine, 2020. »](3)[/tooltips]. Cette différence de résultats montre que le moment à partir duquel est mis en place un confinement et les mesures qui l’accompagnent ou pas, comme la fermeture des frontières, sont probablement déterminants pour son efficacité. Cependant, le confinement devrait rester une mesure exceptionnelle visant à pallier l’impossibilité temporaire de mettre en place des stratégies moins coûteuses, comme le dépistage et l’isolement des personnes contagieuses. Sans cela, on entre dans un engrenage qui ne peut être stoppé que par un vaccin ou l’immunité collective. De plus, si la reprise des contaminations observée en Europe annonce l’entrée du SARS-CoV-2 dans la cohorte des coronavirus qui participent chaque année à la vague hivernale d’infections respiratoires aiguës, il est impératif de trouver d’autres stratégies.
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Si on considère l’augmentation du nombre d’arrêts cardiaques hors milieu hospitalier[tooltips content= »Marijon et al., The Lancet, 2020. »](4)[/tooltips] ou la mortalité de pathologies qui ont habituellement un bon pronostic comme les fractures de hanche[tooltips content= »Slullitel et al., International Orthopaedics, 2020. »](5)[/tooltips], sans compter l’isolement des populations les plus fragiles et les dépressions ou suicides liés à la dégradation de la situation économique, le confinement apparaît comme plus néfaste que bénéfique à long terme. Les patients à risque de forme grave et de décès ayant été parfaitement identifiés depuis le début de la pandémie, on aurait pu mettre en place une protection ciblée de ces populations, au lieu de paralyser le fonctionnement d’un pays.
Intéressons-nous maintenant à la fermeture des bars et restaurants à Aix-Marseille et en Guyane décidée dans la précipitation et annoncée le 23 septembre. Cette décision semble avoir été motivée par une étude du Center for Disease Control (CDC) américain parue début septembre[tooltips content= »« Community and Close Contact Exposures Associated with COVID-19 Among Symptomatic Adults ≥18 Years in 11 Outpatient Health Care Facilities », CDC, 11 septembre 2020. »](6)[/tooltips] et montrant qu’il y avait une fois et demie plus de personnes ayant fréquenté les restaurants et les bars dans un groupe de patients Covid-19 comparé à un groupe de personnes non atteintes. Cependant, on découvrait que ce différentiel était dû à des personnes affirmant qu’elles avaient peu respecté les mesures barrières dans les restaurants ou les bars fréquentés. Les rapports de Santé publique France montrent que les lieux privilégiés de contamination sont les entreprises, suivies par les rassemblements temporaires (cérémonies religieuses, festivités, etc.), les établissements de santé et les milieux scolaire et universitaire[tooltips content= »« Covid-19 : point épidémiologique hebdomadaire du 17 septembre 2020 », Santé publique France. »](7)[/tooltips]. Cette mesure ciblée sur les restaurants et les bars relève d’une lecture biaisée des chiffres, déformée par la hâte, à moins qu’elle obéisse à des considérations plus politiques.
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Arrêtons-nous enfin sur le confinement nocturne qui a pris effet le 17 octobre dans les métropoles les plus touchées. S’il existe des doutes sur l’utilité du confinement total, que dire d’un confinement consistant à réduire les mouvements une partie de la journée seulement ? En Azerbaïdjan, un couvre-feu a été décrété le 28 septembre de 21 h à 6 h, sans rapport avec la progression du virus qui était stable depuis le mois d’août, mais en raison du conflit actuel qui oppose l’Azerbaïdjan à l’Arménie. Sept jours après cette mesure, le nombre de cas de Covid-19 repartait à la hausse, et quinze jours après le couvre-feu, il dépassait le pic de cet été (à nombre constant de tests).
Débusquer le virus jusqu’à la fin des temps
Identifier, tester, isoler et soigner, serine l’OMS[tooltips content= »« Mise à jour de la stratégie Covid-19 », 14 avril 2020. »](8)[/tooltips] depuis qu’elle a pris la mesure de la pandémie. Dès le mois de mars, les laboratoires vétérinaires français proposent leur aide pour réaliser des tests RT-PCR, mais l’État refuse à cause d’une réglementation distinguant médecine humaine et médecine animale. Environ 20 000 tests par semaine sont alors réalisés en France, au moment où l’Allemagne en réalise entre 300 000 et 500 000 par semaine. Il faudra attendre le 5 avril pour qu’un arrêté[tooltips content= »Arrêté du 5 avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19, publié au Journal officiel le 6 avril 2020. »](9)[/tooltips] autorise en France des laboratoires autres que ceux de biologie médicale à participer à l’effort de guerre, selon la terminologie employée par le chef de l’État.
Lorsque, enfin, on a réussi à répondre à la demande de tests, avec plus d’un million par semaine, ceux-ci avaient révélé leurs limites : les tests RT-PCR ne sont pas adaptés au dépistage préventif à grande échelle, car ils détectent de très faibles quantités de virus dont on ne peut affirmer qu’elles puissent contaminer. C’est pour cette raison que le taux de positivité des tests n’est pas un bon indicateur pour guider la stratégie sanitaire, car il ne distingue pas les malades contagieux des personnes guéries qui ne sont plus contagieuses. Au contraire, les tests antigéniques sont plus faciles à utiliser, donnent des résultats plus rapidement et présentent un taux bien plus faible de faux positifs. En revanche, ils sont moins performants que les PCR. Seulement, promis pour octobre, ils se font toujours attendre sur le terrain. Il serait bon de les développer, quitte à accepter que des personnes atteintes sans risque de forme grave puissent passer entre les mailles, et réserver les tests RT-PCR aux personnes symptomatiques et/ou à risque de forme grave. En effet, la priorité devrait être d’identifier les malades pour les soigner le plus précocement, au lieu de s’épuiser dans une course sans fin pour traquer le virus partout et tout le temps, chez les patients guéris comme chez les asymptomatiques qui le resteront.
Stratégies de communication: erreurs et châtiment
On se désole aujourd’hui que l’on n’ait plus confiance dans la parole de nos dirigeants. C’est qu’ils n’ont cessé d’osciller entre optimisme et pessimisme, hésitant dans le choix de leurs indicateurs, comme dans celui de leurs messages logorrhéiques. Après la vague de mars-avril, les beaux jours étaient là et en dehors de ces faciès barrés d’un masque, la vie avait presque repris son cours normal. Mais voilà. Les soignants, eux, n’entendaient pas vivre un automne aussi infernal que le printemps. Lorsque de nouveau certains services hospitaliers se sont remplis en septembre, certains professionnels de santé parlaient déjà de ne plus travailler en « secteur Covid ». Conscient qu’il ne parviendrait pas à remobiliser les forces sanitaires, le gouvernement a dégainé une salve de mesures. « L’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement. Au-dessous de lui [le chef], l’on murmure tout bas, de sa hauteur et de ses exigences[tooltips content= »Charles de Gaulle, Le Fil de l’épée (1932, prés. Hervé Gaymard), Perrin, 2015.« ](10)[/tooltips] », écrit De Gaulle. Le président de la République a quitté les sommets le 14 octobre pour nous prodiguer ses conseils : aérez vos pièces, lavez-vous les mains, avec du savon, et vous jeunes gens, ne vous croyez pas épargnés, a-t-il déclaré après nous avoir exhortés à prendre soin les uns des autres, à « faire nation ». On ne peut demander à un amalgame d’individus dont on a célébré les particularités et autorisé les revendications de faire soudain corps pour cause d’épidémie. On a les dirigeants que l’on mérite et le chef les subordonnés dont il est digne.
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